vendredi 30 août 2013

Réforme pénale - à quoi ressemblera la peine de probation ?

Christiane Taubira a confirmé la création d'une peine de probation, "la contrainte pénale". Les arbitrages concernant cette réforme pénale doivent être rendus ce vendredi. Explications de ce que pourrait être cette peine.
Christiane Taubira, à Paris le 2 octobre 2011
L'Exécutif doit trancher ce vendredi l'épineux dossier de la réforme pénale, qui a donné lieu à un clash public entre Christiane Taubira et Manuel Valls. La ministre de la Justice a annoncé la création d'une peine de probation, hors prison. Très développée dans certains pays, comme le Canada, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne, que pourrait être cette peine de probation - baptisée "contrainte pénale" - à la française ?
 
Que regroupe la probation ?
 
La "conférence de consensus" réunie par la ministre de la Justice pour préparer la réforme avait recommandé dans ses conclusions la création de cette peine "clairement distincte de la prison". Elle doit regrouper "différents modes de réparation (médiation, réparation du préjudice, travail d'intérêt général, rencontre auteur-victime)", des "mesures susceptibles de permettre à la personne de modifier le comportement à l'origine du délit (injonction thérapeutique, stage de sensibilisation à la sécurité routière, stage de citoyenneté, etc.)" et doit permettre "de travailler sur les facteurs de réinsertion (accès au logement, recherche d'emploi, formation professionnelle, accès aux soins, etc.). Elle peut être "associée à une mesure de surveillance électronique".
 
Pour ses partisans, elle est appelée à devenir une vraie alternative à la prison. "Dans 52 % des cas la peine prononcée est l'emprisonnement", pour les délits jugés, souligne Pierre-Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS. "Sauf que les deux tiers le sont avec un sursis total. Résultat la prison est au coeur du système sans l'être et le système est illisible. Beaucoup de jeunes ne le comprennent pas, quand ils ont du sursis ils pensent avoir échappé à la prison". Pour lui, la probation rassemble un "ensemble complexe (de mesures) qui va s'adapter à l'individu et à son parcours".
 
Martine Herzog-Evans, de l'université de Reims, pense de son côté que le projet risque de ne pas aller assez loin et n'être "qu'un toilettage de plus qui ne va pas régler nos problèmes de fond". Et de citer l'exemple anglais avec des "juridictions résolutives de problèmes" qui rassemblent dès le départ "juges, service de probation, psys, addictologues, assistantes sociales et forces de l'ordre". "Ça marche sur la récidive et surtout ça fait économiser de l'argent".
 
Que se passe-t-il si le condamné ne respecte pas ses obligations ?
 
Le texte pourrait stipuler qu'une peine de prison est prévue d'emblée en cas de non-respect et la mesure serait une sorte de sursis avec mise à l'épreuve (SME) à l'envers. "Beaucoup de bruit pour rien", juge Mme Herzog-Evans. Autre possibilité, la violation des règles de probation elle-même deviendrait un délit jugé au tribunal. Mais alors "on risque paradoxalement d'avoir plus de gens en prison car les juges d'application des peines sont beaucoup moins répressifs que les tribunaux", poursuit la chercheuse.
 
Enfin, c'est le juge d'application des peines qui pourrait être chargé de réexaminer et éventuellement modifier les conditions de la probation, ou renvoyer le condamné devant le tribunal, solution qui a les faveurs de Thierry Sidaine, président de l'Association nationale des juges d'application des peines.
 
La probation doit-elle remplacer d'autres peines ?
 
"Le SME est une mesure qui fonctionne, la peine de probation peut venir en plus. Il faut donner aux juges des outils larges pour individualiser les peines", plaide M. Sidaine. Mais pour M. Tournier, la probation doit à terme remplacer "le SME et le sursis simple, ainsi que les travaux d'intérêt général en tant que peine principale". "Il vaut mieux que les juges aient le choix, si c'est probation en l'état ou prison, c'est trop binaire", dit Mme Herzog-Evans.
 
Quels délits la probation doit-elle concerner ?
 
Mme Taubira a parlé de délits passibles de cinq années ou moins d'emprisonnement, mais ce niveau de peine couvre des catégories politiquement sensibles à défendre lors du débat au Parlement, notamment certaines violences. M. Tournier propose d'expérimenter la probation sur quelques infractions spécifiques, hors récidive : conduite en état alcoolique sans violence directe, coups et blessures de faible gravité sans circonstances aggravantes, vols de petite valeur et usage de stupéfiants.
 

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