jeudi 19 septembre 2013

Et si les prisonniers cultivaient ?

Le projet de coopérative agricole pénitentiaire d’un Nancéien est actuellement sur le bureau de la ministre de la Justice.
 
Franck Antoine est surveillant au centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville depuis 1994.  (Photo Frédéric MERCENIER)

Il attend la réponse de Christiane Taubira. Depuis qu’il a envoyé son projet à la ministre de la Justice, Franck Antoine guette sa boîte aux lettres avec espoir car il sait que le contexte est favorable aux initiatives comme la sienne.

Le Nancéien propose de créer une coopérative agricole pénitentiaire autofinancée et autogérée où des détenus volontaires en fin de peine cultiveraient des légumes. Ils pourraient aussi faire de l’élevage. « Les prisonniers se sentiraient utiles, valorisés, réinsérés et gagneraient de quoi payer leur dette envers leurs victimes et envers l’État » , résume le surveillant au centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville. Ça tombe à pic : la garde des Sceaux a élaboré cet été un projet de réforme pour réduire le taux d’occupation des prisons et lutter contre la récidive…

Franck Antoine connaît bien le milieu carcéral. Depuis 1994, il a exercé de nombreuses fonctions au sein de cet univers. Et ce fonctionnaire de 45 ans, père de trois enfants, constate à quel point la prison n’aide pas certains détenus à s’en sortir. « De plus en plus sont inoccupés et cette oisiveté se transforme en dépression, en agressivité, en violence. En suicides aussi. »

Alimenter les prisons et vendre au marché

Les bénéficiaires de ce projet seraient non seulement les détenus, mais aussi les familles, les surveillants, l’État. « On a tous à y gagner » , insiste Franck Antoine. Concrètement, il prévoit d’abord l’achat par l’État d’une ferme à retaper en Lorraine. « Le député et agriculteur Dominique Potier, qui me soutient, a promis d’en trouver une, pour un euro symbolique… »
 
Après un entretien d’embauche suivi d’une formation, une quinzaine de détenus encadrés par des surveillants volontaires assureraient la rénovation de la bâtisse puis travailleraient à la coopérative, « une véritable prison ouverte. » La production alimenterait en produits frais le centre pénitentiaire de Nancy. Le surplus serait vendu sur les marchés locaux. « Ce qui donnerait une image positive du milieu carcéral… »
 
Franck donne en exemple l’exploitation agricole de Wizwill en Suisse qui accueille 180 détenus et fait un bénéfice de 17 millions de francs suisses par an. Mais aussi la ferme biologique de Coucy-le-Château, dans l’Aisne : une association liée à Emmaüs en collaboration avec la justice qui compte une vingtaine de prisonniers. Ils cultivent des légumes pour deux Amap (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne). Un succès.
 
« L’idée générale de mon projet, c’est que tous, surveillants et détenus, participent aux travaux, mangent ensemble à midi » , insiste Franck qui a pour principe de « faire avec » et pas de rester seulement à surveiller. Pour motiver tout le monde, les bénéfices de l’exploitation seraient partagés. C’est le principe de la coopérative.
 
À la fin de leur détention, les meilleurs ouvriers se verraient proposer des CDD ou des CDI de contremaîtres dans d’autres coopératives créées alors un peu partout en France. « Ils formeraient à leur tour des détenus et auraient de l’ascendant sur eux » , ajoute Franck Antoine, sûr de son projet. D’ailleurs, son directeur le soutient, mais aussi l’Observatoire International des Prisons (OIP), le contrôleur des sites de privation de liberté. Et beaucoup de ses collègues surveillants sont prêts à le suivre. « Reste au ministère à décider… »
N.B.: selon nos retours, la direction de l'établissement ne soutient absolument pas ce projet...

www.vosgesmatin.fr

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