dimanche 22 septembre 2013

Reims - Prison: le ras-le-bol des riverains

Pour les riverains de la maison d'arrêt, insultes, menaces de mort, humiliations et représailles font partie du quotidien. Hier, les surveillants en grève confiaient leur impuissance.
 
Les riverains n'en peuvent plus. Leurs voisins  d'en face sont bien trop présents dans leur quotidien. Photos : Christian LANTENOIS
Les riverains n'en peuvent plus. Leurs voisins d'en face sont bien trop présents dans leur quotidien.
 
«Quand on a acheté, il y a un an, c'était en toute connaissance de cause, reconnaît Michèle, 65 ans. On avait lu dans l'union qu'il y avait parfois des parloirs bis, que des pétitions circulaient à cause des nuisances mais on était très loin du compte. »

Elle et son mari habitent un joli pavillon rue du Général-Battesti avec vue sur la maison d'arrêt. « La nuit, on a l'impression d'être de l'autre côté du mur d'enceinte. Les détenus s'interpellent, s'insultent. Parfois, on se demande ce qui s'y passe : on entend des hurlements de bêtes. Les surveillants se font insulter à longueur de journée ainsi que les policiers lorsqu'ils débarquent. Le must : les livraisons de drogue l'après-midi. »
 
Livreurs clandestins
 
Un rituel qui se fait sous le nez des riverains. « Ils mettent des stupéfiants dans des chaussettes qu'ils balancent au-dessus des barbelés pendant les heures de promenade, raconte cette autre habitante. Capuche sur la tête, ils restent dos aux caméras durant toute l'opération et prennent la fuite en courant. Au coin de la rue, bien souvent, une voiture les attend. »
 
D'autres n'hésitent pas à pénétrer dans les cours et jardins des riverains pour jeter leur colis illégal. « Ils savent parfaitement que les caméras ne filment pas les zones d'habitation », poursuit Mickaël Deschamps, surveillant pénitentiaire, délégué syndical SPS.
 
La semaine dernière, un livreur a loupé son tir et le sachet de cannabis s'est répandu au sol aux pieds des petites filles de Michèle.
 
Libres mais emprisonnés
 
Pascal, 40 ans, et sa petite famille, habitent, rue du Général Jean-Accart, une maison en location. Il veut en partir. « Depuis qu'on est ici, on a perdu notre tranquillité ». Il évoque le son des radios résonnant jusque tard dans la nuit, les insultes et les menaces de mort, « dès que l'on sort », mais aussi les parloirs sauvages en fin d'après-midi où des jeunes femmes assises sur le toit de voitures crient leurs désirs sexuels…
 
Rue du Général-Pierre-Pouyade, Sarah, 39 ans, ne supporte plus les rodéos en voiture d'ex-taulards ou de familles de détenus. Ils pilent en face du mur, klaxonnent à toute heure, jusqu'à ce que leur proche se manifeste à la fenêtre de sa cellule.
 
D'un hochement de tête, elle désigne un pavillon. « Été 2012, un couple qui venait de s'installer a appelé la police. Ils n'arrivaient pas à dormir : des détenus parlaient bruyamment avec leurs familles. Ils n'ont pas été assez prudents. Quinze jours après avoir emménagé, ils étaient déjà partis. On leur a démoli leur voiture, pourri leur existence. Quand on passe à proximité de la prison, il vaut mieux garder la tête baissée, ne pas répondre aux flots d'insultes sinon ils nous ont dans le collimateur et ça devient invivable ensuite. »
 
Lorsqu'il fait chaud, les terrasses, cours et autres jardins donnant sur la maison d'arrêt sont désertées. « Impossible de s'y installer, de recevoir des amis. C'est pénible », lâche Sarah. Tous aspirent à vivre dans le calme et la sérénité : « Ce n'est pas à nous de déménager mais à la maison d'arrêt. Pourquoi ne pas l'installer à la base aérienne ? » D'autres, à défaut, espèrent que le mur d'enceinte soit au moins relevé.

La peur d'une évasion

« Les riverains nous interpellent régulièrement sur les nuisances qu'ils rencontrent. Ils appellent même à la prison la nuit », reconnaît Mickaël Deschamps, délégué syndical SPS (syndicat pénitentiaire des surveillants). « On demande souvent à la police de faire des rondes mais ces patrouilles ne sont pas des missions prioritaires », reconnaît Sébastien Jonet, délégué local CGT. De son côté, Joël Bigayon, le directeur de l'établissement pénitentiaire, assure que des mesures sont régulièrement prises pour faire cesser les nuisances. « J'ai des contacts réguliers avec les riverains. Ils nous arrivent de déplacer des détenus, de confisquer des radios après un passage en commission de discipline. Quant aux parloirs sauvages, c'est du ressort de la police nationale qui mène régulièrement des opérations. »
 
Les surveillants se sentent désarmés. « Pas évident pour nous d'intervenir. La nuit et les week-ends, on est trois ou quatre. On se retrouve forcément en minorité », détaille Mickaël Deschamps. « On subit de nombreux parachutages (Ndlr : jets d'objets au-dessus des murs de la prison) qui menacent la sécurité à l'intérieur, ajoute Farid Kaci, secrétaire local FO et surveillant en semi-liberté. On ne peut plus fouiller à corps les détenus, mais les couteaux en céramique ou bien encore les explosifs ne sont pas détectés par les portiques de sécurité. à la fin des promenades, il nous arrive de saisir en plus de la drogue, des clés pouvant démonter les portes, des petits couteaux. »
 
Des détenus sans surveillance
 
La maison d'arrêt de Reims compte 50 surveillants pour environ 150 détenus. « Nous ne sommes pas en surpopulation carcérale, admet Mickaël Deschamps. Mais nous avons des détenus potentiellement dangereux qui ont pris 17, 20 ans de prison », en attente de leur hypothétique transfert. Une trentaine de surveillants de la pénitentiaire ont bloqué hier l'entrée de la maison d'arrêt de Reims. Ils dénoncent un manque d'effectifs : « On nous ajoute constamment des tâches supplémentaires. Pour permettre le bon fonctionnement de l'établissement et maintenir la sécurité, il faudrait un renfort de cinq ou six surveillants, soit une équipe de plus », assure Farid Kaci. Selon l'intersyndicale, 95 % des surveillants de la maison d'arrêt de Reims ont approuvé par écrit le mouvement de contestation.
 
« On a peur d'une nouvelle évasion », reconnaissent les syndicalistes : « On se retrouve dans la même situation qu'en 2010 », où un jeune de 24 ans, affecté aux tâches ménagères avait réussi à se faire la malle à l'aide d'une échelle, faute de surveillance. à la suite de cette rocambolesque évasion, l'inspection pénitentiaire avait renforcé les équipes. Des mesures qui n'ont plus cours aujourd'hui. Trois ans après, « des détenus auxiliaires (ceux qui travaillent) peuvent à nouveau se retrouver sans surveillance avec des outils. »

www.lunion.presse.fr

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