mardi 8 octobre 2013

Une prison enfin sûre au Havre ?

La direction du centre pénitentiaire du Havre, à Saint-Aubin-Routot, annonce l’arrivée d’effectifs supplémentaires réclamés depuis longtemps par les surveillants... comme par l’Inspection du Travail.
 
Vue aérienne du centre pénitentiaire du Havre, à Saint-Aubin-Routot
Vue aérienne du centre pénitentiaire du Havre, à Saint-Aubin-Routot

C’est une première dans la jeune histoire du centre pénitentiaire du Havre, à Saint-Aubin-Routot. Aussi étonnant que cela puisse paraître, dans un établissement cité comme exemplaire lors de son inauguration en 2010 par la ministre de la Justice de l’époque, Michèle Alliot-Marie, l’effectif minimum du personnel surveillant n’avait encore jamais été atteint.

 Pour sa prise de fonction, le nouveau directeur du site Christian Gapp (lire ci-contre) a la chance d’arriver avec de bonnes nouvelles. « C’est certain, à partir du 21 octobre, nous compterons 23 gradés pour les 25 postes théoriques », indique ce dernier.

 absence de médecin de prévention

 En effet, si le nombre de surveillants, maintenu aux alentours de 180, reste de l’ordre de l’acceptable pour les représentants du personnel, ces derniers n’ont cessé, en revanche, d’exiger du renfort au niveau de l’encadrement (premiers surveillants). « C’était, jusqu’à présent, le principal problème de cet établissement », reconnaît Christian Gapp. Problème attesté en juillet par l’Inspection du Travail elle-même, dont le rapport recommande de « parvenir à l’effectif de référence à court terme et s’assurer de sa stabilité à moyen terme ».

La visite de l’Inspection répondait, à l’époque, à une déclaration de « danger grave et imminent » formulée par la section CGT du centre pénitentiaire, suite à un énième mouvement social du personnel réclamant plus de sécurité. « La surcharge de travail liée au manque d’effectif, le grand nombre d’heures supplémentaires, le manque de repos altèrent les phases de récupération nécessaires à l’exercice serein des missions », note le rapport de l’Inspection du Travail, qui signale par ailleurs l’absence d’un médecin de prévention comme d’un psychologue du travail.
« Ces premiers surveillants supplémentaires vont nous permettre de couvrir des zones que nous avions du mal à superviser », veut croire Christian Gapp. « C’est évidemment une bonne nouvelle », se réjouit également Olivier Duval, pour la CGT du centre pénitentiaire. « A nous de mettre la pression pour que ces effectifs soient maintenus sur la durée. Dans un an, ces nouveaux gradés pourront demander à être mutés, il y a de fortes probabilités pour qu’ils repartent. » D’après le syndicaliste, la réputation des conditions de travail ne jouent clairement pas en faveur de l’attractivité du Havre.

 En face, pour d’autres raisons, les détenus devraient aussi bénéficier de l’arrivée de ce personnel supplémentaire. Etienne Noël, l’avocat rouennais connu pour son engagement tenace en faveur des conditions de vie des prisonniers, compte une quarantaine de clients à Saint-Aubin-Routot. « Ce qu’ils reprochent, c’est la déshumanisation complète des lieux. On a remplacé les surveillants par des caméras, ce qui renforce le sentiment d’isolement. »


Les conseillers restent en alerte


Si le dialogue social semble en voie d’apaisement au sein du personnel surveillant, les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) continuent, eux, de tirer le signal d’alarme.

 Pourtant, leur métier se trouve aujourd’hui au cœur du projet de réforme pénale porté par la garde des Sceaux Chritiane Taubira. « Cette réforme va dans le bon sens : elle considère que la prison ne doit pas être le centre du système pénal », soutient Yoann Bouchet, délégué CGT au service pénitentiaire de probation et d’insertion du Havre. Les CPIP, chargés de préparer ou suivre la réinsertion des prisonniers, selon qu’ils agissent en milieu fermé ou ouvert, deviendraient de fait un maillon essentiel… à condition de leur fournir les moyens nécessaires.

« Au Havre, nous sommes aujourd’hui 4,8 équivalents temps pleins pour 700 détenus, au lieu des 10 théoriques », dénonce Yoann Bouchet. Dans le cadre de la réforme Taubira, le gouvernement a annoncé la création de 300 embauches de conseillers d’insertion et de probation sur l’année 2014. « Son objectif est de parvenir à un agent pour 40 détenus, ce qui dépasse même les demandes de notre syndicat », note le délégué CGT.

 Mais en attendant, le rapport reste localement « d’un conseiller pour 180 prisonniers », déplore ce dernier. « Notre métier prend du temps, nous ne pouvons pas l’exercer en réalisant des entretiens à la chaîne. Moins nous avons de temps pour suivre les détenus, plus le risque de récidive augmente. »

Outre l’exigence de retrouver des effectifs complets, le responsable syndical évoque aujourd’hui « le constat d’échec » qui s’impose, selon lui, au Havre. « En prison, on manque d’assistants sociaux, de permanences Pôle Emploi, de la sous-préfecture, de la CAF, etc. La prison ne peut rien faire toute seule. »
T. D.


PRATIQUE :
Christian Gapp

 Successeur de Gilles Capello, le nouveau directeur du centre pénitentiaire de Saint-Aubin-Routot a pris ses fonctions le 2 septembre. Agé de 56 ans, le fonctionnaire en a passé 25 ans dans l’administration pénitentiaire, essentiellement dans l’est de la France, dont il est originaire. Christian Gapp a dirigé successivement les établissements de Château-Thierry, Nancy, Laon et dernièrement Mulhouse.

Rappel Le centre pénitentiaire du Havre a ouvert ses portes à Saint-Aubin-Routot en avril 2010, provoquant la fermeture de la prison située en plein centre-ville. L’établissement comprend une maison d’arrêt de 210 places, un centre de détention de 390 places, un quartier d’accueil de 30 places, un quartier mineurs de 15 places et un quartier de semi-liberté de 45 places.
www.paris-normandie.fr

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