mardi 18 février 2014

La sexualité en prison: Illégal mais pas tabou

Chaque année de nombreux bébés sont conçus dans les parloirs des prisons azuréennes et varoises. Un phénomène qui pose le problème de l’intimité en prison
 
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Sur son T-shirt floqué flotte le visage d'un nouveau-né. Un bébé de quelques mois à peine que le jeune homme, condamné pour trafic de stupéfiants, n'a jamais vu en dehors des murs de la maison d'arrêt de Grasse où il est incarcéré depuis… 34 mois. L'enfant a été conçu au parloir de la prison où sa femme vient lui rendre visite chaque semaine.

Comme I. et son épouse, de nombreux couples ont des relations sexuelles illégales à l'occasion d'un parloir. Un tabou ? Pas vraiment.

« Plusieurs clientes m'ont dit qu'elles avaient eu des relations sexuelles en prison, confirme Me Mélanie Junginger. L'avocate pénaliste a même été témoin du marié, un client, lors d'un mariage organisé à la maison d'arrêt de Grasse.

La privation de liberté induit de fait une privation de sexualité que certains couples contournent.

Bébés parloir : « Ça a toujours existé »

« Lors des doubles parloirs », explique Me Cathy Guittard, avocate à Nice. « Certains détenus bénéficient d'un parloir de 35 minutes par semaine et d'un autre, plus long, d'une heure à une heure et demie. Accordé lors d'occasions particulières : anniversaire de naissance, de mariage ou de rencontre. Le surveillant ne reste pas derrière la porte pendant tout ce temps ».

Certains couples éprouvent de la gêne à profiter de ces moments privilégiés pour avoir des relations intimes, terrorisés à l'idée d'être surpris ou craignant une sanction disciplinaire : suppression du permis de visite, quelques jours de cachot pour le détenu.

D'autres, en revanche, se moquent du mobilier fatigué, des bruits provenant du parloir d'à côté, des cris des enfants…

« Les bébés parloir, ça a toujours existé, il ne faut pas se le cacher. Et dans toutes les prisons, confirme un agent de l'administration pénitentiaire. Ça dépend de la personnalité du surveillant. Les détenus savent qu'avec untel, pas de problème, il ne va pas regarder, ni le dire. Ensuite, ils se donnent le mot ».

Un petit billet glissé avant le parloir en échange d'un regard détourné ? Le surveillant s'en défend avec vigueur.

Compassion ? Pudeur ? Hypocrisie ? Le législateur s'est penché sur le droit à l'intimité en prison. Fruit de cette réflexion : la création des unités de vie familiale (UVF) en 2003 dans trois centres pour longues peines (Rennes, Saint-Martin-de-Ré, Poissy) où les couples et les familles ont la possibilité de passer une ou deux nuits ensemble d'abord. Puis, le modèle fait ses preuves et se propage à d'autres établissements. Aujourd'hui 35 centres pénitentiaires sur 190 sont pourvus d'UVF.

Elles sont d'office prévues dans les nouvelles constructions comme le centre pénitentiaire de Toulon-La Farlède ouvert en 2004 (lire par ailleurs).

La région en compte deux autres, Avignon et Arles.

Un concept qui prône le maintien des liens familiaux mais qui présente un avantage de taille pour l'administration pénitentiaire : « il apaise la détention», explique Henry Daragon, surveillant chargé des UVF à Toulon-La Farlède. «Je me souviens d'un détenu qui jouait les caïds dans la cour de promenade. Il faisait souvent l'objet de sanctions disciplinaires. À partir du moment où il a pu voir sa compagne et son enfant au sein d'une UVF, il n'a plus fait l'objet d'un seul compte rendu d'incident ».

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