vendredi 28 février 2014

Virginie Bianchi, l'évasion réussie d'une directrice de prison

Cette ancienne directrice de la maison centrale de Clairvaux est devenue avocate et bataille désormais pour aménager les peines des détenus les plus lourdement condamnés.
 
Dans le milieu carcéral, tout le monde la connaît. Et pour cause : Virginie Bianchi est un peu la « pro » des aménagements de peine. Pour certains détenus au long cours, l’avocate incarne le seul espoir de sortie. C’est grâce à elle, entre autres, que Philippe El Shennawy vient d’être libéré après trente-huit ans passés derrière les barreaux. « Au-delà d’un certain moment, certaines peines n’ont plus aucun sens », justifie-t-elle.

Aux plaidoiries médiatiques des grands ténors du barreau, elle préfère le travail de l’ombre, les tête-à-tête avec les détenus. « Je monte un projet de sortie avec ceux qui me contactent, explique la quadragénaire. Cela suppose de les accompagner dans toute une série de démarches, de rencontrer leurs proches… Une sortie, ça se prépare sur plusieurs années. »

« Les détenus, je les connais par cœur »

Qu’on ne s’y trompe pas, toutefois, Virginie Bianchi n’est pas une inconditionnelle des libérations anticipées. « Je suis une femme d’ordre, martèle l’intéressée, âgée de 46 ans. Quand la libération d’un détenu ne présente pas un maximum de garanties, je le lui dis franchement et je l’incite à reporter sa demande de libération. » Point d’angélisme chez la juriste. « Les détenus, je les connais par cœur, s’amuse-t-elle. Je vois tout de suite quand ils me racontent n’importe quoi ! Quelque part, je parle un peu leur langue. »

L’univers carcéral, elle connaît, en effet. Elle a même passé plusieurs années en prison… en tant que directrice. C’est à elle en effet qu’on confie en 1997 les clés de la maison centrale de Clairvaux (Aube). Ultra-sécurisée, cette prison n’accueille que des longues peines. « Là-bas, on a l’impression que le temps s’étire à l’infini », se souvient-elle. Pourquoi avoir demandé un établissement réputé parmi les plus durs ? Par curiosité. L’ancienne abbaye cistercienne transformée en prison au début du XIX siècle fascinait cette diplômée d’histoire médiévale ayant étudié un temps à l’Institut catholique de Paris.

Face à l’abyssale question du mal

Mais c’est avant tout le profil des détenus qui l’intéressait. « Côtoyer des grands criminels, des terroristes, des acteurs du grand banditisme, c’est toucher au cœur du système criminel. Encadrer ces hommes, tenter de les faire évoluer, de donner du sens à leur peine, c’est passionnant. » Interpellant aussi. Très vite, on fait face à l’abyssale question du mal.

« J’étais déjà persuadée avant qu’aucun homme ne pouvait se résumer au pire de ses crimes, mais c’était très théorique… Là-bas, sur le terrain, j’ai vraiment pris la mesure de l’extrême complexité humaine », se souvient-elle. Virginie Bianchi y découvre des détenus parfois touchants. « Vous voyez des colosses fondre en larmes à l’annonce du décès de leur mère ou carburer aux anti-rides en espérant ainsi défier le temps. »

Avocate, pour retrouver « le sens des choses »

Après trois ans à Clairvaux sonne l’heure du retour à Paris. L’immobilisme du ministère de la justice désespère la jeune femme (Elle n'est pas la seule !). En 2001, c’est le grand saut vers le privé (chez un constructeur automobile). Mais Virginie Bianchi déchante, là aussi. « Les missions qui m’étaient confiées me semblaient superficielles. Et puis, la prison me manquait… » C’est finalement en endossant la robe d’avocat, en 2006, qu’elle retrouve « le sens des choses ». Retour à la case prison donc, du côté des détenus cette fois.

À partir de là, Virginie Bianchi se spécialise dans l’aménagement de peines, et notamment les longues peines. Celle qui, dix ans plus tôt, voyait entrer en détention des hommes condamnés à des peines sans fin, consacre désormais son temps à essayer de les faire sortir. Séduit par cette étonnante trajectoire, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, l’invite en 2008 à rejoindre son équipe.

Où sera-t-elle dans dix ans ? Difficile de dire tant l’avocate semble imprévisible. Son futur grand projet pourrait l’éloigner un temps des détenus. « Avec mon homme, on réfléchit à un tour du monde à moto. » Une évasion, une vraie cette fois.

La Croix

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