mercredi 28 mai 2014

Drogue, téléphones, cutters… viande: tout arrive dans la cour de la prison d’Annœullin

Le phénomène est national et s’amplifie au centre pénitentiaire d’Annœullin. Régulièrement, des hommes, des mineurs, enjambent les portillons pour projeter au-dessus des murs de la prison des colis pour les détenus. Pour enrayer ce problème, des travaux de sécurisation sont en cours. Explications.

 Les portillons devront être réhaussés pour rendre impossible les projections.
 

Les portillons devront être réhaussés pour rendre impossible les projections.
 
Le syndicaliste UNFAP-Unsa Frédéric Blondel, également premier surveillant, croise un de ses collègues en charge des espaces verts. Ce dernier ne s’étonne plus de sa dernière découverte. « Je viens de récupérer un cutter rétractable. Heureusement, il n’est pas passé de l’autre côté », se rassure-t-il.
Frédéric Blondel peste. Lui, comme ses collègues, constate, chaque semaine, de nouvelles projections. « Vous voyez, ils enjambent le portillon, courent le long du chemin de ronde extérieur et jettent des colis par-dessus le mur qui donne sur la cour de promenade de la maison d’arrêt. » Sous un emballage épais, transitent de la drogue, des téléphones portables, de l’alcool, même de la viande. Et des couteaux.

Depuis l’ouverture de la prison en 2011, le phénomène s’est amplifié. « Au départ, il y avait pas mal de ratés. On retrouvait beaucoup d’objets en zone neutre. Ils n’arrivaient pas jusqu’en cour de promenade. Aujourd’hui, c’est plus organisé. Ils jettent souvent d’abord une pierre, attendent un signal du détenu qui se positionne pour réceptionner. » Frédéric Blondel se souvient aussi d’avoir surpris un prisonnier donnant le signal en cellule à son complice à l’extérieur du site par téléphone alors que les portables sont interdits en prison : « On voit des choses originales », lâche-t-il, dépité.

Récemment, une opération coup de poing a permis de donner un coup d’arrêt à ces « passeurs ». « Des gendarmes en civil ont intercepté une dizaine de personnes en une journée ». Des hommes, des mineurs, aussi, qui ne peuvent être poursuivis. Tous connaissent les heures de promenades. « À Amiens, on s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un réseau de mineurs. Les jeunes sont payés 1 500 € par mois pour passer des produits aux détenus. » Les surveillants pénitentiaires, eux, ne sont pas habilités à intervenir à l’extérieur du site. Ils peuvent intercepter, en détention, les produits projetés. Sauf qu’aujourd’hui, « la fouille n’est plus systématique », dénonce Frédéric Blondel. « La loi européenne qu’a validée Christiane Taubira, alors que peu de pays l’ont adoptée, interdit la fouille corporelle. Mais c’était l’arme la plus efficace contre les projections. » Pour fouiller un détenu, l’accord du gradé de bâtiment ne suffit plus. « Il faut attendre l’autorisation du lieutenant. À chaque fouille, on a toujours trouvé des produits prohibés. Aujourd’hui, on est face à des détenus qui peuvent être drogués, alcoolisés. Plus violents et, parfois, armés d’un couteau. »

Alors Frédéric Blondel, comme ses collègues, se réjouit d’assister au chantier de sécurisation à l’extérieur du site. « Ils commencent par poser des fils barbelés sur les grillages puis rehausseront les portillons. On le voit, les projections sont moins nombreuses. Les gens osent moins se lancer avec les ouvriers. »

Historique

Le centre pénitentiaire d’Annœullin a accueilli les détenus de Loos en juin 2011. Il est doté d’une capacité d’accueil de 688 places. Il compte deux quartiers maison d’arrêt de 150 et 210 places qui regroupent les prévenus et les condamnés à des courtes peines (moins de deux ans). Il dispose également d’un centre de détention de 210 places pour des condamnés dont le reliquat de peine est supérieur à deux ans.
La maison centrale (28 places) réunit les longues peines. Le service médico-psychologique régional (SMPR) dispose de 40 places, l’accueil pour les nouveaux arrivants, de 50 places. Et l’établissement a mis en place six unités de vie familiale (UVF).

En chiffres

787
Le nombre de détenus actuellement au centre pénitentiaire d’Annœullin.
96
Le nombre de matelas au sol dans des cellules qui comptent en général, déjà, deux prisonniers.
686
La capacité initiale de la prison d’Annœullin.
50
Le nombre de surveillants qui avaient manifesté, le 6 mai, lors de l’appel au blocage national pour dénoncer les conditions de détention en France.
La Voix du Nord


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