lundi 18 août 2014

USA - Médecin dans une prison de haute sécurité: «J’étais mort de peur»

Ça, c'était le premier jour. Aujourd'hui, William Wright assure qu'il retournerait volontiers travailler dans l'établissement du Colorado, si on avait besoin de lui.
Un homme menotté. REUTERS/Jonathan Alcorn

Après avoir exercé pendant trente ans comme chirurgien ORL et après une retraite de courte durée, William Wright a répondu à une annonce pour devenir médecin à la Prison d’Etat du Colorado (Colorado State Penitentiary), où sont détenus sous sécurité maximum les criminels les plus dangereux et les plus violents de l’Etat.

Son expérience de huit ans en tant que médecin à la prison d’état lui a inspiré un livre intitulé Insécurité maximale: être docteur dans une Supermax (Maximum Insecurity : A Doctor In The Supermax). Business Insider s’est récemment entretenu avec Wright pour savoir à quoi ressemble une prison de l’intérieur, du point de vue d’un médecin.

La plupart des détenus étaient des sociopathes

Wright a postulé à l’offre de la prison d’Etat parce l’emploi proposé était très différent de tout ce qu’il avait pu faire auparavant. Il s’est même dit que ça pourrait être amusant.
Mais son premier jour n’a pas été aussi amusant que ça.
«J’étais mort de peur, raconte-t-il à Business Insider. Je n’avais jamais mis les pieds dans une prison, et je n’y avais surtout jamais travaillé.»
Wright s’est d’abord senti claustrophobe et s’est retrouvé particulièrement intimidé par un de ses premiers patients, un jeune détenu du couloir de la mort, Nathan Dunlap.
En 1993, alors qu’il était âgé de 19 ans, le jeune Dunlap a assassiné quatre employés d’un fast-food dans lequel il avait travaillé à Aurora, dans le Colorado. Une cinquième personne a été grièvement blessée. Nathan Dunlap s’est ensuite enfui avec l’argent de la caisse et des jetons d’arcade.

«Il m’a lancé un petit sourire et il m’a dit, “vous avez peur de moi, pas vrai, doc?”, se rappelle Wright en repensant à son tout premier examen. J’ai répondu: “Vous savez, je suis juste ici pour vous examiner”. Et il a répondu: “Je dois être le pire type que vous avez jamais rencontré”. Et c’était vrai.»
Petit à petit, Wright a appris à connaître les lieux et les caractéristiques de ses patients. Ils étaient toujours escortés jusqu’à son bureau pieds et poings liés, et deux gardiens au moins ne s’éloignaient jamais de plus d’un mètre cinquante du détenu. Certains d’entres eux ont essayé d’acheter Wright en lui offrant de la contrebande de luxe, comme une Rolex, en échange de son aide pour faire passer des lettres ou de la drogue à l’intérieur ou à l’extérieur de la prison.
D’autres lui demandaient constamment des choses dont ils n’avaient pas besoin, comme des antidouleurs, des somnifères, des chaussures ou un régime alimentaire adapté. Généralement, lui demander quelque chose était l’occasion unique pour eux de se montrer aimables avec lui.
«Un grand nombre d’entre eux étaient très charismatiques. Ils font comme s’ils étaient votre meilleur copain. Ils vont se montrer gentils, serviables et respectueux, jusqu’au jour où on leur dit “non”, explique Wright. Après, tout est fini. C’est comme l’autre côté d’un miroir. Ils ont des petites flammes qui leur sortent des yeux.»
Les détenus de la prison d’Etat du Colorado étaient «presque tous» des sociopathes dépourvus de compassion pour les autres, raconte Wright.
«Ces gars n’avaient pas honte de ce qu’ils avaient fait. Ils étaient énervés de s’être faits prendre, mais ils ne comprenaient pas vraiment pourquoi ils étaient en prison, parce que pour eux, leur comportement était tout à fait normal.»
Malgré tout, il s’agissait bien d’hommes comme les autres quand il fallait les traiter pour des problèmes physiques qui pouvaient aller de la verrue à la crise cardiaque.

Ne pas chercher à connaître leurs crimes

C’était même le cas pour Marvin Gray, un détenu tellement grand que six gardiens l’accompagnaient dans le bureau de Wright, au lieu des deux habituels. Attaché à l’aide de chaînes supplémentaires, Gray était aussi intimidant pour les autres détenus de la prison. Avec ses 150 kg, Marvin Gray était un tueur en série, et le leader d’un gang blanc à l’intérieur de la prison. Il avait aussi la réputation d’avoir violé nombre de ses codétenus, selon le Denver Post.
Mais Wright l’a traité comme n’importe quel autre patient.
«On s’est très bien entendus. C’était un type gigantesque, et à cause de ça, il avait des problèmes de genoux, explique Wright. Je le voyais régulièrement et je lui injectais des stéroïdes dans les genoux, ce qui le soulageait. C’était un peu comme retirer une épine de la patte d’un lion.»
Pour pouvoir accomplir son devoir du mieux qu’il pouvait, Wright s’est efforcé de rester professionnel avec les détenus, en évitant de parler d’autre chose que de leurs problèmes médicaux.
«Je pense que ce qui m’a le plus aidé, c’est que je les traitais avec respect. Je les appelais toujours “monsieur-un-tel” et je ne les embêtais jamais sans raison. C’était toujours strictement professionnel. Si on les traite avec respect, ils font la même chose. En tout cas, ça a bien marché pour moi.»
Il n’a également pas cherché à connaître les crimes que ses patients avaient commis, même si certains le lui ont dit volontairement.
«Déjà, ce ne sont pas du tout mes affaires. Et en plus, j’avais peur que ça ait un impact sur mon comportement avec eux.»
Pour assurer sa sécurité, Wright se souvient qu’il ne devait jamais laisser un détenu se mettre entre lui et la porte, ou leur permettre d’atteindre un objet qui pourrait leur servir d’arme. Un seul détenu a tenté de l’attaquer.
«J’étais en train de lui dire quelque chose qu’il n’avait pas envie d’entendre, et ça l’a énervé, se souvient Wright. Il était assis sur le lit roulant, avec les mains et les pieds attachés, et pourtant il s’est jeté sur moi. J’ai simplement reculé et j’ai réussi à le pousser par terre. Il n’a pas pu aller bien loin et les gardiens de la prison lui ont bondi dessus avant même que j’aie eu le temps de dire “ouf”.»

Raconter ce qui se passe derrière ces murs

Wright a réussi à trouver un humour subtil dans ce qui l’entourait. Une fois, après avoir interrompu le traitement anti-épileptique d’un patient très musclé d’un mètre quatre-vingt dix, celui-ci s’est mis à simuler des crises à chaque fois qu’il se rendait à la clinique.
«C’en était devenu comique, s’en amuse Wright. Je me contentais de l’enjamber et de lui dire de faire attention à ce que personne ne trébuche sur lui.»
Ce prisonnier a affirmé qu’il voulait devenir prêtre à sa sortie.
«Quand il est sorti, il y avait au moins une douzaine de personnes qui l’attendaient à l’arrêt de bus et ils sont tous partis pour le Texas en chantant “Kumbaya” pour créer leur propre église.»
En fait, je trouve que tout ça est très amusant
Les détenus n’étaient pas la seule source d’humour. Quand il s’est installé dans son cabinet, la chaise était trop haute et ses jambes ne passaient pas sous le bureau. L’équipe de maintenance a donc improvisé en découpant un morceau de bois pour rallonger les pieds du bureau.
Wright raconte tous ces détails comiques dans son livre.
«Je voulais raconter ce que c’était vraiment que de travailler à l’intérieur d’une prison Supermax, explique-t-il. Personne ne sait ce qu’il se passe derrière ces murs, et ça n’a rien à voir avec ce qu’on voit à la télé. En fait, je trouve que tout ça est très amusant.»
Aujourd’hui, Wright dirige une infirmerie dans un établissement correctionnel du Colorado à sécurité moyenne, mais il assure qu’il retournera volontiers à la prison d’Etat si on a besoin de lui.

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