mercredi 15 octobre 2014

Ducos - L'OIP saisit la justice

L'Observatoire International des Prisons, suite à des alertes répétées, vient de saisir la justice d'une procédure d'urgence pour faire cesser « les atteintes particulièrement graves portées à la dignité des personnes incarcérées » au centre pénitentiaire de Ducos. Un établissement qualifié par l'association « d'un des pires de France » .

Pour l'Observatoire International des Prisons, il y a urgence à agir. Le 6 octobre dernier, l'association a déposé un référé liberté au tribunal administratif de Fort-de-France. L'affaire sera examinée ce jeudi. « On souhaite en effet que la justice se prononce, mais pas sur les indemnisations des personnes détenues, comme elle le fait d'habitude. Cette fois, on lui demande de contraindre l'État à prendre des mesures pour que cela bouge » , argumente François Bès, le coordinateur de l'OIP pour l'Ile-de-France et l'Outre-mer.
L'association, qui détaille sa demande dans un dossier de presse de 10 pages, réclame « un plan d'urgence » relatif au parc immobilier du centre pénitentiaire de Ducos mais aussi à une « politique d'aménagements de peine assortie de moyens humains et financiers » . Pour elle, malgré les alertes réitérées depuis 10 ans, rien n'a évolué. « Au mois de juillet 2014, le taux d'occupation du quartier maison d'arrêt du centre pénitentiaire de Ducos s'élevait à 215% » , rappelle-t-elle, dénonçant « une situation indigne » et « l'inertie des pouvoirs publics » .
François Bès évoque même « l'un des pires établissements de France » : surpopulation, promiscuité, locaux insalubres, présences de rats et de cafards, manque d'activités, d'accès aux soins, violences exacerbées entre détenus... Hier matin encore, selon nos sources, une bagarre aurait éclaté dans l'enceinte de l'établissement entre deux groupes de jeunes de deux quartiers différents. Presque le quotidien pour les agents pénitentiaires.
« UNE VÉRITABLE POUDRIÈRE »
En mai dernier, le député Jean-Philippe Nilor avait alerté la Garde des Sceaux sur la situation carcérale à Ducos. « 130 matelas répartis dans plusieurs cellules de 9m2 jonchent le sol. (...) Certains détenus frustrés en raison de l'indécence de leurs conditions de vie, du manque d'activités proposées et de la promiscuité dans l'établissement, s'adonnent à des agressions physiques et verbales à l'endroit de leurs codétenus et des gardiens de prison » .
« Une véritable poudrière » selon ses termes, confirmée par les différents rapports dressés au sujet du seul établissement carcéral de la Martinique (1). C'est d'ailleurs sur cette base que, le 1er mai dernier, la justice londonienne refusait de mettre à exécution un mandat d'arrêt européen émis par les autorités françaises pour un citoyen dominicain de 54 ans. Comme la cour administrative de Bordeaux à plusieurs reprises en 2013, les magistrats anglais ont considéré que les conditions de détention à Ducos sont contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH).
En 2012, 136 détenus avaient adressé une pétition à l'administration pour dénoncer « des conditions de vie déplorables, une pression invivable et un cadre de vie indigne » . France-Antilles en avait été destinataire, ainsi qu'un certain nombre de photos et vidéos, prises dans l'enceinte pénitentiaire. Le 7 janvier dernier, 53 détenus ont, cette fois, adressé un courrier à l'OIP pour les mêmes causes. « Ceux qui dorment à terre cohabitent avec des cafards, souris, des scolopendres (...). Ceux qui sont enfermés 23h sur 24 souffrent énormément de la forte chaleur (32 dégrés)... (...) il faut aussi parler des nombreux rats morts qui tardent à être enlevés et dégagent des odeurs insupportables jours et nuits » , y décrivaient-ils, évoquant « un véritable enfer » .
Le ministère de la justice, informé du mémoire de l'OIP, a jusqu'à jeudi pour y répondre devant le tribunal administratif et rendre ses propres conclusions.
 
(1) Rapports du contrôleur général des lieux de privation de liberté (2009) / de la direction de la santé et du développement social en (2009) / de la sous-commission départementale de sécurité contre les risques incendie (2011 et 2013) / Gorce (2013) / du groupe de travail sur les problématiques pénitentiaires en Outre-Mer.
 
Cyril Bertier, secrétaire régional de l'UFAP : « Les agents tiennent la prison à bout de bras »

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