samedi 31 janvier 2015

Radicalisation en prison : «Rendre la vie impossible à ces détenus est contre-productif»

INTERVIEW - Grégoire Etrillard, ancien premier secrétaire de la conférence du barreau de Paris, a défendu, au titre de la commission d'office, plusieurs prévenus accusés de faits terroristes.
Photo d'illustration.

LE FIGARO - Vous avez défendu des détenus pour faits de terrorisme. Comment percevez-vous les mesures de regroupement en prison que va mettre en place le gouvernement?

Grégoire Etrillard: Il ne faudrait pas tomber dans l'hystérie collective. Il y a peut-être beaucoup de musulmans derrière les barreaux mais tous ne sont pas radicaux ou même fondamentalistes. La radicalisation est liée à un désespoir, à une solitude doublée d'une absence des institutions et paradoxalement du religieux . Je ne vois pas l'intérêt de regrouper des détenus qui ont ce même rapport au monde. Ils seront d'autant plus enclins à rejeter le système qu'ils se sentent rejetés par la société. Rendre la vie impossible à ces détenus, dont beaucoup aujourd'hui ne peuvent participer comme les autres aux activités et au travail en détention, est contre-productif. Il est étrange d'affirmer vouloir lutter contre des filières djihadistes et de voir l'État lui-même risquer de créer de nouvelles filières en mettant ensemble des gens au comportement extrême. Même en cellule individuelle, il serait illusoire d'imaginer que les détenus ne puissent plus du tout communiquer entre eux .

Regrouper des détenus pour radicalisation ne pose-t-il pas un problème juridique?

En effet, l'État paraît vouloir déterminer par lui-même, à travers le système judiciaire ou pénitentiaire, les personnes qui, par la pratique religieuse, apparaîssent radicalisées ou pas. De la même manière que l'État ne peut déterminer quel est l'imam acceptable et celui qui ne l'est pas, il me semble difficile qu'il soit juge de la pensée religieuse de détenus. Cela pose forcément un problème de laïcité. Par ailleurs la jurisprudence du Conseil d'État affirme que les mesures plus contraignantes à l'égard d'un détenu doivent être liées à un profil pénal particulier et réévaluées périodiquement. Le profil pénal intègre aussi bien les infractions commises que le comportement en prison et ne saurait se résumer à des opinions extrêmes.

Quelle est la spécificité de ces détenus?

Justement, il est difficile de résumer un homme à des faits ou des opinions religieuses . Ce qu'il y a de malheureux c'est que la pratique religieuse à laquelle ils se livrent leur offre souvent une structure qui leur faisait défaut et qu'ils recherchaient. L'objectif est donc d'arriver à leur apporter une structure nouvelle plutôt qu'à tout prix vouloir les isoler.

Le Figaro

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