Nadine, en arrêt maladie depuis un an, a «peur de tout»

Ouvert jusqu'au 2 mars, un grand concours de recrutement est lancé par l'Etat. Le but: recruter 2.000 gardiens de prisons en 2015. Le slogan: «Oubliez les clichés.» Vraiment? La parole est aux surveillants de prison. Ces mercredi et jeudi, découvrez les témoignages de plusieurs gardiens de prisons sur 20 Minutes et sur Twitter avec le hashtag #parolesdematons. 

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Nadine* est matonne. Mais elle ne travaille pas. Depuis un an, elle est en arrêt maladie. «J'ai eu un gros problème avec un détenu l'année dernière.» Elle n'en dira pas plus. Confiera simplement sa «peur de tout».

Il y a treize ans, elle a signé «très contente», pour l'administration pénitentiaire. «J'ai voulu rester avec mon enfant jusqu'à son premier anniversaire, puis je me suis mise à chercher un emploi. J'avais 34 ans. Ne trouvant rien, (je suis secrétaire de direction), j'ai passé le concours de surveillante pénitentiaire. Mon mari avait vu une pub à la télé qui vantait les mérites des surveillants. J'étais sportive et j'aimais aider les autres, alors j'ai passé le concours.»

«Les détenus sont devenus plus agressifs»

Femmes, hommes, maisons d'arrêt (pour les personnes en attente de jugement ou les peines inférieures à deux ans) ou centre de détention (pour les peines de courte durée), «toxicos», «pédophiles», Nadine a tout vu. Elle assure qu'avec le temps, les détenus ont changé. «Avant, ils respectaient l'uniforme. Jamais un prisonnier ne levait la main sur une femme ou alors, il se faisait prendre à partie par les autres.» Depuis 2010 et l'arrivée des règles pénitentiaires européennes, elle en est persuadée, «les détenus sont devenus plus agressifs». Ces dispositions ont contraint le système législatif français, à intégrer plusieurs dispositions, notamment sur les droits fondamentaux et le traitement de prisonniers. Si la France est fréquemment condamnée par l'Europe quant à l'état de ses prisons, Nadine assure: drogue, alcool, téléphones, «cachets pour la musculature», transitent sans problème. En poste dans le sud de la France, elle confirme les craintes suscitées par la page Facebook publiée frauduleusement, où les résidents des Baumettes prenaient la pose, joint au coin de la bouche et billets dans les mains.

«Tu le mets où ton bâton pour les frapper?»

Les surveillants, eux, «se cachent derrière leurs uniformes», pour certains du moins, «par peur des détenus». Quitte à autoriser des dérogations sur l'heure de la douche ou envoyer les plus rudes en promenade «après la grasse matinée». Chaque matin, elle dit entrer «dans une zone de non droit». Le mot est un peu fort, elle le reconnaît. Mais c'est le seul qui lui vient à l'esprit face à l'absence de solutions qui lui barre la route. «J'ai déjà entendu des amis me dire "Tu le mets où ton bâton? - Quel bâton? -Ben le bâton pour les frapper?"» Pas de matraque pour Nadine, elle n'en réclame pas vraiment d'ailleurs.

Mais quand elle entend certains lui conseiller de porter plainte contre les détenus, elle rit jaune. «Les trois quarts des plaintes sont classées sans suite. Alors à quoi bon perdre son temps?» Son agresseur, lui, est en attente de jugement. Recluse, en dépression, Nadine aimerait changer de voie. «J'aurais aimé rester car cette ambiance me plaisait. Aider les gens, régler leurs problèmes.» Pour la suite, difficile de savoir. Rester dans le social, sans doute. Seule certitude: «Impossible de retourner travailler.»

*Le prénom a été modifié


20 Minutes