vendredi 3 avril 2015

Prison de Gradignan (33) - une série de suicides en 2015 qui interroge

L’établissement pénitentiaire de l’agglomération bordelaise fait face à trois passages à l’acte qui interrogent sur la prévention.  
Prison de Gradignan (33) : une série de suicides en 2015 qui interroge
 
Trois suicides en moins de deux semaines en ce début 2015 au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan. « Ce chiffre nous a frappés », explique Delphine Payen-Fourment, la coordinatrice pour le Sud-Ouest de l'Observatoire international des prisons (OIP). « Et encore, on ne compte pas les tentatives. »   
Le 26 février, une quadragénaire, qui s'accusait d'avoir enterré son nourrisson mort le 6 novembre, s'est pendue avec son drap. « Elle avait déjà fait deux tentatives de suicide en prenant d'un coup des médicaments stockés au fil des jours », ne décolère pas son avocat Me Stéphane Guitard. Le 9 mars, un quadragénaire girondin a été retrouvé au bout de sa ceinture dans sa cellule. Il était soupçonné d'avoir fait venir une Tchèque comme jeune fille au pair pour en fait abuser d'elle.

Tous en détention provisoire

Quelques jours plus tard, c'est le meurtrier présumé de son ex-compagne et son ex-belle-mère, le 4 mars dernier à Tarnos (Landes), qui se pendait à son tour. Mis en examen, tous avaient été placés en détention provisoire à la maison d'arrêt. Ils bénéficiaient donc de la présomption d'innocence au stade où en était la procédure les concernant. L'action publique est désormais éteinte. Ils ne seront jamais jugés.

Aveu de culpabilité pour certains, reflet d'un manque criant d'effectifs pour surveiller selon d'autres avis, plus syndiqués… Le débat est sans doute ailleurs. Cette vague de passages à l'acte dans un court laps de temps pose questions sur les dispositifs de repérage et de prévention mis en place en milieu carcéral.

« Ce sont des événements graves qui interrogent aussi les personnels pénitentiaires qui sont évidemment touchés par chaque passage à l'acte », explique d'emblée Philippe Danné, directeur d'insertion et de probation à la Direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Bordeaux. Sa directrice, Sophie Bleuet, est d'ailleurs particulièrement sensible et sensibilisée au sujet. Et la DISP entend ne pas se laisser accuser de rester les bras ballants.

Davantage de repérages

Depuis 2009, des mesures ont été mises en place pour repérer « le potentiel suicidaire » des détenus. Une fiche de liaison avec les magistrats renseigne déjà sur les personnes particulièrement fragiles. « Il y a ensuite des moments dans leur parcours en prison auxquels nous sommes particulièrement attentifs », décrit Philippe Danné. « Le choc carcéral, l'approche d'un procès, le retour en cellule après une confrontation, une rupture familiale… »

Il existe à la maison d'arrêt de Gradignan un quartier nouveaux arrivants. Durant une semaine, les détenus tout juste incarcérés vont y rencontrer divers intervenants avant qu'une commission pluridisciplinaire unique ne se réunisse et évalue, au moyen d'une grille, ce potentiel suicidaire. « Davantage d'outils ont conduit à davantage de repérages », fait remarquer le professionnel.

Par le biais d'une boîte aux lettres, les familles peuvent également, après une visite au parloir, faire un signalement. Depuis 2010, Gradignan était en outre pilote pour tenter l'expérience des codétenus de soutien, s'inspirant des « anges gardiens » espagnols ou des « écoutants » anglais. « Tout passe par l'échange et l'écoute », résume Philippe Danné.

« Certes, mais une fois que les personnes sont repérées, pourquoi ne reçoivent-elles pas toutes des draps et couvertures indéchirables et des vêtements jetables, pourquoi ne sont-elles pas toutes soumises à une surveillance spéciale ? », s'indigne Me Stéphane Guitard qui prépare une action contre l'État pour défaut de surveillance. « Parce que ces dotations de protection d'urgence sont destinées aux crises suicidaires aiguës », justifie Philippe Danné.
"Une fois que les personnes sont repérées, pourquoi ne reçoivent-elles pas toutes des draps et couvertures indéchirables ?"
« Elles sont, de plus, fournies pour vingt-quatre ou quarante-huit heures avant une hospitalisation d'office ou un suivi médical renforcé en dehors de la maison d'arrêt. » Il en va de même pour les cellules de protection d'urgence dont il n'existe que quelques exemplaires. Des endroits aux murs lissés, sans point d'accroche.

Facteurs aggravants

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