mercredi 13 mai 2015

Lits moisis, douches froides, encadrement "défaillant" : la prison de Strasbourg "livrée à elle-même"

La contrôleure générale des lieux de privation de liberté dénonce, mercredi, "des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes détenues" et plusieurs cas de "traitement inhumain et dégradant" observés dans cette prison.
Les contrôleurs décrivent "un état de saleté déplorable" dans les sanitaires des cours de promenade de la maison d'arrêt de Strasbourg. Une réfection de ces lieux a été effectuée à la fin avril, assure le ministère de la Justice.
 
C'est une procédure rare, justifiée par une "violation grave des droits fondamentaux" des prisonniers. La contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, a décidé de rendre publique une série de recommandationsen urgence, mercredi 13 mai, relatives à la maison d'arrêt de Strasbourg (Bas-Rhin).
 
L'ancienne élue socialiste annonce avoir alerté le gouvernement de plusieurs cas de "traitement inhumain et dégradant" observés dans cette prison, où les conditions de détention se sont sérieusement détériorées ces cinq dernières années.
 
Lors de leur visite, effectuée du 9 au 13 mars, les contrôleurs ont découvert des cellules froides et humides, aux murs dégradés et aux matelas "dévorés par les moisissures". Faute de mieux, de nombreux détenus se chauffent avec leurs plaques de cuisine, maintenues allumées en permanence. Et ils ne peuvent pas espérer se réchauffer lors de l'une des trois douches hebdomadaires : "L'eau est glaciale, tant au quartier des hommes qu'au quartier des femmes".
 
Le plafond d'une douche collective, en mars 2015.
Le plafond d'une douche collective, en mars 2015. (CGLPL / FRANCETV INFO)

Accolée depuis 1988 à l'autoroute A35, dans un quartier du sud-ouest de Strasbourg délaissé par les commerces, la maison d'arrêt de l'Elsau est plus récente, et pourtant plus dégradée que la moyenne des prisons françaises. Rongeurs et pigeons y pullulent dans une cour "remplie de détritus", jetés depuis les cellules et visibles depuis les airs, comme en atteste l'image satellite. En 2009, déjà, les contrôleurs déploraient un "vieillissement prématuré, lié à la médiocre qualité de l'infrastructure et au défaut de maintenance".
"Ce constat ne nous surprend pas, indique à francetv info François Bès, coordinateur de l'Observatoire international des prisons. Nous recevons régulièrement des courriers de détenus pointant la vétusté de l'établissement, due aussi bien au surpeuplement qu'au manque de moyens attribués à l'entretien." Au 1er avril, la maison d'arrêt accueillait 726 prisonniers pour 445 places (soit un surpeuplement de 163%), selon les chiffres officiels"Nous avons aussi des alertes ponctuelles mais régulières sur le ton employé, ou sur des violences commises par des surveillants", ajoute François Bès.
 
Le travail d'une partie du personnel est d'ailleurs remis en cause par l'équipe d'Adeline Hazan, qui juge l'encadrement des surveillants "défaillant""La détention est apparue livrée à elle-même", résume-t-elle, indiquant que des sièges ont été retrouvés "en position de sieste" dans des miradors. Les contrôleurs ont aussi relevé une "violation manifeste de la confidentialité des correspondances", à partir de témoignages de prisonniers concernant des "courriers régulièrement ouverts et non acheminés par des personnels de surveillance". Des personnes détenues ont d'ailleurs hésité à se confier aux contrôleurs, "par crainte de représailles".

Des caméras chez les psychiatres

Lors de son passage au sein du service de psychiatrie de la maison d'arrêt de Strasbourg, la délégation a aussi découvert des caméras de surveillance dans deux salles d'ateliers thérapeutiques. Déplorant "une atteinte grave au secret médical et à l'indépendance des soignants en milieu pénitentiaire", Adeline Hazan recommande d'urgence le retrait de ce dispositif, et met le gouvernement dans l'embarras.
Dans sa réponse aux recommandations, le ministère de la Justice assure, en effet, que le médecin chef du service et la direction de l'hôpital de rattachement avaient donné leur accord à ce dispositif. Problème : le ministère de la Santé évoque, lui, une "décision unilatérale de l'autorité pénitentiaire" à laquelle les soignants n'ont "pu s'opposer".
 
Une caméra de surveillance installée au-dessus de la porte au fond de cette salle du service de psychiatrie de la maison d'arrêt de Strasbourg.
Une caméra de surveillance installée au-dessus de la porte au fond de cette salle du service de psychiatrie de la maison d'arrêt de Strasbourg. (CGLPL / FRANCETV INFO)

Pas d'opposition, ou presque. Trois personnels infirmiers ont bien tenté de riposter en obstruant des caméras avec des inscriptions "secret médical". Pour cet acte de rébellion, ils ont perdu, en janvier, leur habilitation au sein de la maison d'arrêt. Contactée par francetv info, la direction de l'établissement public de santé Alsace Nord confirme avoir "pris acte" de cette "décision émanant de la maison d'arrêt". Et la ministre de la Santé, Marisol Touraine, indique que les caméras sont toujours "installées".

Taubira conteste toute atteinte aux droits fondamentaux

Plus globalement, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, estime que l'existence d'"atteintes graves aux droits fondamentaux" n'est pas "démontrée" dans ces recommandations. La garde des Sceaux assure que des travaux ont été entrepris depuis la visite de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté en mars.
 
Un trou creusé dans une cellule de la maison d'arrêt des hommes.
Un trou creusé dans une cellule de la maison d'arrêt des hommes. (CGLPL / FRANCETV INFO)

La ministre reconnaît toutefois...
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...