mercredi 1 juillet 2015

A la prison pour mineurs de Fleury-Mérogis, entre pluie d'insultes et "Los and Jaurès"

Socialiste nantais, Dominique Raimbourg s'est rendu dans le quartier mineurs de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis. Il a pu vérifier que le gigantisme est à proscrire.

Vue de la prison de Fleury-Mérogis. Photo d'illustration.
 
Quelle mouche a piqué Dominique Raimbourg d'abandonner son bureau de l'Assemblée nationale pour visiter sous la chaleur étouffante de ce 30 juin 2015 le quartier mineurs du Centre de jeunes détenus (CJD) au sein de la plus grande maison d'arrêts d'Europe à Fleury-Mérogis (Essonne), à une trentaine de kilomètres au sud de Paris ?

 Le député PS de Nantes, spécialiste des questions pénales et pénitentiaires, avait deux objectifs. Primo : vérifier de ses yeux ce qu'il pressentait, à savoir que le gigantisme de l'établissement de Fleury-Mérogis n'est pas moins nocif pour les mineurs que pour les majeurs. Deusio, mettre en application la toute nouvelle loi "Botton" qui permet à un parlementaire de se rendre en détention accompagné de la presse, sans avoir à solliciter l'autorisation de l'Administration pénitentiaire, pas toujours accueillante pour les médias. "Il est important que les Français connaissent mieux les prisons, au lieu de véhiculer des idées reçues", confie Raimbourg.

Manque d'étanchéité entre mineurs et majeurs

Voilà donc notre député nantais, sous un soleil de plomb, qui frappe à la porte de la prison... accompagné de trois journalistes (France Inter, Le Monde et L'Express). Chiffres à la clef, il vérifie qu'il ne se trompait pas : il y a 94 places pour les prévenus ou condamnés âgés de 13 à 18 ans, ce qui est énorme. Et l'établissement affiche régulièrement complet, malgré son insuffisante étanchéité entre mineurs et majeurs. C'est à se demander quels politiques ou quels pontes de la Pénitentiaire ont pu bâtir un tel monstre carcéral. Ils ne l'ont sûrement pas fait en s'appuyant sur les femmes et les hommes de terrain. La directrice du CJD, Evelyne Le Cloirec, ne cache pas qu'il vaudrait mieux des quartiers mineurs de 12 places comme celui qu'elle a dirigé à Pau. Malgré tout, le CJD de Fleury-Mérogis n'explose pas, les 24 surveillants pénitentiaires et les 18 éducateurs PJJ assurent son contrôle avec professionnalisme. Par souci d'efficacité et de proximité avec les détenus, certains surveillants ont même troqué leurs costumes pour des survêtements passe partout.

Le quotidien n'est pas folichon pour ce personnel à la fois spécialisé et volontaire. Les locaux mis en service en 1968 apparaissent très vétustes. Et très dégradés par les détenus eux-mêmes. Difficile de trouver une vitre en état. Même dans la bibliothèque, un lieu qu'on imagine réservé à une paisible lecture, trois carreaux sont explosés. La saleté est partout. Peut-être s'y habitue-t-on. Mais on ne s'accoutume pas aux cycles hyper courts de l'ambiance, de la tranquillité à l'explosion. "C'est calme ce matin, confie la directrice, ça m'inquiète, l'après-midi sera sans doute hyper chaude." A l'entendre, le 3ème étage du CJD réservé aux mineurs change de climat aussi souvent que celui de Bretagne.

Des bagarres pour un mauvais regard

Les violences, les bagarres, c'est le lot quotidien de cet établissement, surtout en cours de promenade, dans les douches communes, ou dans l'espace d'attente des parloirs. Il suffit qu'un parent ne vienne pas au rendez-vous de son rejeton pour qu'un jeune pique une violente colère. "Quand j'interroge celui qui s'est mis à cogner, explique Evelyne Le Cloirec, c'est parfois pour un simple regard qu'il n'a pas supporté." Et certains en sortent assez amochés. De quoi occuper les équipes médicales.

Evelyne Le Cloirec, directrice du Centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis (91), accueille Dominique Raimbourg, député PS (Nantes), le 30 juin 2015.
   
Forcément, les jeunes qui échouent ici ne sont pas les plus faciles. S'ils sont là, c'est que pour eux tous les dispositifs éducatifs, plus ou moins contraignants, ont échoué. Il faut s'occuper de leurs addictions (shit, cocaïne, crack) comme de leurs névroses. Depuis un an, des surveillants sont tombés nez à nez à deux reprises sur un jeune tentant de se suicider par pendaison. Comme un appel au secours. "Nous manquons de psy pour les mineurs", regrette la directrice du CJD, qui doit également faire face à des automutilations.

Des "Los And Jaurès" et des "Je t'aime Mama"

Tous ces mineurs sont seuls dans leur cellule de 9 m² derrière leur porte bleue. Un petit espace surchauffé l'été, glacial l'hiver. Les gongs régulièrement démolis témoignent de la force des coups assénés par les jeunes détenus contre ce qui les sépare de la liberté. Étonnant aussi de constater qu'ils parviennent à arracher les caillebotis (épaisse protection métallique derrière la fenêtre et les barreaux) afin de pouvoir faire du "yoyo", c'est-à-dire qu'ils transforment leurs draps en petites lanières pour balancer des objets à leurs voisins.

Profitant de la sortie d'un détenu de 16 ans qui en parait trois de moins, le député Raimbourg visite une cellule du secteur "arrivants", présentée comme une des moins sales. C'est dire... Manifestement, chaque occupant éphémère tient à laisser sa trace sur les murs, où il reste pas un cm² de disponible. Avec des "Los And Jaurès XIXe" et "Secteur Est XXe Télégraphe", on sent l'attachement de ces jeunes à des quartiers de Paris, où règnent des bandes. Il y a aussi des "Je t'aime Mama". La chaleur est étouffante, l'odeur aussi. De la nourriture traîne sur la table. Celle qui n'a pas été évacuée par la fenêtre, pour le plus grand bonheur des rats. Cette cellule, comme bien d'autres, est toujours infestée de punaises de lit, faute d'un nettoyage fréquent par le détenu. De quoi, pourtant, détériorer profondément son sommeil.

Des projectiles et des insultes à foison

La coordinatrice des quinze enseignants, Nathalie Austin, se montre malgré tout très optimiste...


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