vendredi 25 septembre 2015

Policier, je protège les personnalités : manque d'effectif, épuisement... Je suis à bout

Nos collègues policiers ne semblent pas bénéficier de plus de considération que nous...
 
Les policiers du Service de la protection, chargés de veiller sur les hautes personnalités, n'en peuvent plus. Leurs conditions de travail se seraient tellement dégradées depuis les attentats de janvier, que 14 d'entre eux se disent prêt à porter plainte contre l'État. Antonin fait partie de ceux-là. Rythme infernal, heures supplémentaires non payées... Il nous raconte son quotidien.
Je travaille au sein du Service de la protection depuis de longues années. Avant, j’avais l’impression que nous étions le parent riche de la police. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
 
Depuis les attentats de janvier, notre rythme et nos conditions de travail sont devenus insupportables. C’est pour cette raison qu’avec 13 autres collègues, nous sommes prêts à porter plainte contre l’État.
La situation est devenue ingérable
À l’origine, les policiers du Service de la protection avaient deux missions :

- s’occuper des membres du gouvernement sur leur lieu de travail et pendant leurs vacances
- accueillir et protéger les chefs d’états étrangers

Ainsi, au cours de ma carrière, j’ai protégé de nombreux ministres et secrétaires d’État. Mais depuis les attentats du début de l’année rien n’est plus pareil.

Aujourd’hui, nous devons aussi assurer la protection de journalistes, d’écrivains, d’essayistes et d’autres personnalités menacées. Parfois, certaines d’entre elles ne comprennent pas le danger, mais le plus souvent, elles nous laissent travailler, car elles sont conscientes des risques.

Notre travail a donc changé. Nous avons aussi beaucoup plus de missions qu’avant.

Le problème, c’est que nous avons été victimes de la réforme des fonctionnaires. Avec les réductions de personnel, nous avons perdu une centaine de postes au sein du Service de la protection.
Nous devons donc composer avec ce manque d’effectif et ces missions supplémentaires. Mais la situation est devenue ingérable.

On travaille parfois 30 jours d’affilée
Le plus difficile à supporter, c’est notre rythme de travail. Avant, on travaillait une semaine entière, dimanche et jours fériés compris, avant d’avoir une semaine de repos.

Aujourd’hui, nous avons fait une croix sur nos jours de congé. Il nous arrive parfois de travailler 30 jours d’affilée, suivi de deux ou trois jours de repos seulement. Notre vie familiale est donc mise entre parenthèses.

Ce n’est pas tenable, d’autant que nos journées sont longues : le plus souvent, elles commencent à 8h et se terminent à 23h. Il nous arrive aussi de devoir protéger une personnalité jusqu’au bout de la nuit, si elle a décidé de faire la fête.

Pendant ces journées de travail qui peuvent durer entre 15 et 18h, nous restons debout en permanence. Comme notre rôle est de protéger les autres, nous devons être à l’affût du moindre danger.

Avec l'épuisement, ça devient de plus en plus compliqué. Récemment, à cause de la fatigue, il y a eu un incident avec une arme à feu. Heureusement, les conséquences n’ont pas été dramatiques, mais ça montre à quel point la situation est intenable.

On ne peut plus s'entraîner
L’entraînement est une partie capitale de notre travail : si on ne pratique pas, on ne peut pas être performants. Aujourd’hui, on ne nous donne plus l’opportunité de le faire.

Pourtant, nous avons beaucoup de choses à travailler : notre condition physique, la conduite de véhicules, le placement, la mise en situation ou encore les simulations d’attaques et d’évacuations.
Il est aussi essentiel de s’entraîner à tirer. Mais ça non plus, nous n’y avons pas droit : certains collègues n’ont pas pu tirer depuis un an et demi.

Notre matériel laisse aussi à désirer. Comme nous avons plus de missions, il n’y a plus assez de voitures pour nous. Nous nous déplaçons donc avec des véhicules de location, non identifiés par la police. Cela peut entraîner des problèmes de sécurité et des quiproquos.

Cette situation est dangereuse pour nous, mais aussi pour les personnalités que l’on protège, qui méritent d’avoir toute notre attention.

3.000 heures sup' non rémunérées
En plus de toutes ces déconvenues qui bouleversent notre quotidien, on ne nous paie pas nos heures supplémentaires. Le logiciel qui est censé les répertorier est défaillant et ces heures disparaissent.
On a l’impression de travailler pour rien. Quand on demande à être payés, il faut faire des rapports et se montrer très insistants. Épuisés, on finit par abandonner.

Finalement, nos heures supplémentaires se transforment en jours de récupération. Mais comme on ne peut pas poser de congés, ça n’a aucun intérêt.

Aujourd’hui, je pense avoir cumulé environ 3.000 heures supplémentaires non rémunérées à moi tout seul, sur plusieurs années. Au total, c’est 1,3 million d’heures supplémentaires qui n’ont pas été payées au sein du Service de la protection.

On nous prend pour des robots
Comme mes collègues, je me sens découragé. Je ressens une fatigue générale, qui me rend irritable et nerveux. Ce ne sont pas les meilleures conditions pour travailler.

Malheureusement, on ne nous écoute pas. Nous sommes maltraités, harcelés et on nous prend pour des robots. Certains d’entre nous sont même victimes de burn-out.

Il y a quelque temps, un collègue épuisé a fait part de son état à la hiérarchie...

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