vendredi 30 octobre 2015

Les prisons françaises, une crise qui perdure

Une semaine après la manifestation des personnels de l’administration pénitentiaire, leurs organisations syndicales ont été reçues par le président François Hollande, jeudi 28 octobre. Cette rencontre a permis d’évoquer des « pistes de réflexion », sans aboutir à des annonces concrètes, ont estimé les syndicats.

Des employés de l'administration pénitentiaire manifestent contre le manque de moyens humains et matériels, à Paris, le 22 octobre.

Une concertation doit être menée sous trois mois, sur trois axes : la revalorisation des indemnités des surveillants pénitentiaires, un plan de résorption des emplois vacants (dont le nombre s’élèverait à 1 300) et la manière de prendre en charge la population pénale.

Les syndicats doivent désormais discuter du maintien ou non du mouvement de grève annoncé pour le 5 novembre. Plus d’effectifs, plus d’équipements, de meilleures payes…. Les surveillants de prison dénoncent des conditions de travail devenues impossibles, faute de personnel et de moyens.

1. Environ 27 000 surveillants pour 188 prisons

La France compte 188 centres de détention, centres pénitentiaires et maisons d’arrêt, où sont incarcérées environ 65 500 personnes (chiffres de septembre 2015). En 2014, leur taux d’occupation (le nombre de détenus par rapport au nombre de places) a avoisiné les 115 %. Ces établissements emploient 36 535 agents de l’administration pénitentiaire, dont près des trois quarts (26 734) sont des surveillants.

S’y retrouver dans les différentes catégories d’établissements pénitentiaires

Il existe plusieurs catégories d’établissements pénitentiaires, du moins en théorie. En pratique, toutefois, la surpopulation carcérale tend à brouiller les frontières entre eux.

- Maisons d’arrêt : En théorie, les maisons d’arrêt accueillent les prévenus (en attente d’un jugement) et les courtes peines (moins de deux ans) ou les détenus en attente d’être en détention dans un établissement pour peine.

- Etablissements pour peine : Ils se subdivisent en maisons centrales, centres de détention, de semi-liberté et centres pénitentiaires qui comprennent plusieurs types d’accueil en un établissement.
  • Les maisons centrales accueillent les détenus les plus dangereux (longues peines et cas à risque)
  • Les centres de détention acceuillent les détenus condamnés à plus de deux ans mais présentant des chances de réinsertion
  • Les centres de semi-liberté reçoivent des personnes sous des régimes aménagés (possibilité de s’absenter pour travailler, se former, etc, la journée)
- Etablissements pénitentiaires pour mineurs : Ils accueillent, comme leur nom l’indique, les mineurs incarcérés.

- Etablissement public de santé national : Situé à Fresnes, cet établissement prend en charge l’hospitalisation des détenus.

- Service pénitentiaire d’insertion et de probation : Dans chaque département, ces services interviennent pour la réinsertion des détenus, la prévention de la récidive, le suivi et le contrôle des obligations des détenus en milieu ouvert.

2. Une surpopulation endémique

Vétustes, surpeuplées, les prisons françaises sont régulièrement dénoncées par les instances européennes ou les ONG comme étant les pires d’Europe. La France a été épinglée en 2013 par le conseil de l’Europe pour sa surpopulation carcérale et un taux de suicide en prison deux fois supérieur à la moyenne des autres pays européen.

Deux ans auparavant, en 2011, la justice administrative française avait condamné l’Etat à indemniser des détenus du fait de leurs conditions d’incarcération.

Cette situation n’est pas nouvelle. La hausse ténue du nombre de places de détention n’est jamais parvenue, en dix ans, à réduire une surpopulation chronique.
Si l’on compare la taille des effectifs de l’administration pénitentiaire à celle des détenus dont ils ont la charge, la différence sur dix ans n’est pas flagrante : on passe de 2,57 détenus par surveillant en 2000 à 2,91 en 2014. Mais ces chiffres sont théoriques : les syndicats de surveillants dénoncent des postes souvent non pourvus, de 1 200 à 1 300 au total.

3. Des détenus plus violents

Le profil des détenus a également changé : parmi les motifs d’incarcération, les violences volontaires représentent désormais la catégorie majoritaire, loin devant les vols simples ou aggravés, qui constituaient le principal motif d’incarcération dans les années 1980.

Les détenus sont en revanche plus souvent de nationalité française que dans les années 1980.
Et les violences tendent à augmenter dans des prisons de plus en plus bondées, comme le soulignait un avis sénatorial de 2014 : les violences avec arme ont connu une hausse de 53 % en trois ans, les agressions sexuelles ont augmenté de 43 %, les rixes de 10 %.
Autre indicateur : le taux de suicide est deux fois plus élevé que la moyenne européenne. Une centaine de détenus se suicident chaque année, soit environ 15 pour mille.

4. Des conditions de travail peu attractives

Cette violence touche également les surveillants pénitentiaires. Selon un autre rapport parlementaire, on comptait, en 2012, 778 agressions physiques contre des personnels, dont 111 ayant entraîné une interruption temporaire de travail d’au moins une journée.
Conditions de travail dégradées, populations incarcérées violentes… la profession attire peu. D’autant moins qu’elle n’est pas très bien rémunérée : 1 468 euros net par mois pour un surveillant au 1er échelon et, au maximum, 2 100 euros net en fin de carrière.

L’administration pénitentiaire, qui a relancé une nouvelle campagne de recrutement, ne cache pas ses difficultés pour trouver des personnels.

Au-delà, les surveillants pointent le manque d’effectifs dans les services techniques et de maintenance, une situation qui conduit à la dégradation des installations. Cet effet en cascade est dénoncé à plusieurs niveaux : moins de personnels de surveillance signifie, selon les syndicats, plus de possibilités pour les détenus de contrecarrer la sécurité, et donc une insécurité grandissante pour les personnels sortants.

Une récente étude de l’Institut national de veille sanitaire (InVS) a montré que le taux de suicide des surveillants de prison masculins était 21 % plus élevé que dans le reste de la population.
 
Le Monde

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