mardi 26 janvier 2016

L'État édredon a étouffé l'État régalien

Les dépenses régaliennes de sécurité - armée, police, justice - qui représentaient 6,5% du PIB en 1960 et encore 4,5% en 1990, ne pèsent plus que 2,8% de notre richesse nationale!

"La mission de protection des citoyens a été délaissée depuis longtemps." (Photo d'illustration).

Le débat sur la déchéance de nationalité a détourné l'attention des vrais questionnements sur la sécurité. Toutes les annonces faites lors des voeux montrent néanmoins que François Hollande est bien décidé à faire passer au second plan le pacte de stabilité - c'est-à-dire la rigueur budgétaire.

Mais ce n'est pas seulement au profit du pacte de sécurité, comme il l'avait annoncé après les attentats: la perspective électorale le pousse à élargir sa clientèle.

Lorsqu'il a laissé entendre qu'il affranchirait la France des efforts de redressement budgétaire afin d'engager toutes les dépenses militaires, de police ou de renseignement nécessaires, nos partenaires européens, solidaires, n'ont pas protesté, et pourtant: l'Hexagone est le pays de l'Union qui affiche déjà, avec la Finlande, les plus lourdes dépenses publiques, à 57% du PIB. 

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La mission de protection des citoyens délaissée

Malgré cela, nous peinons à assurer la mission fondamentale de l'Etat, le coeur de sa légitimité: la protection des citoyens. Il est vrai que cette mission a été délaissée depuis longtemps. Les dépenses régaliennes de sécurité - armée, police, justice - qui représentaient 6,5 % du PIB en 1960 et encore 4,5% en 1990, ne pèsent plus que 2,8% de notre richesse nationale!

Comment s'explique cette contraction des moyens affectés aux missions régaliennes?

Le site Vie publique montre que l'explosion des dépenses publiques, cantonnées à 12,6% du PIB en 1912, cinq fois moins qu'aujourd'hui, s'est accompagnée d'une "déformation" de leur structure, avec la création de la Sécurité sociale, puis la décentralisation.

Telles que l'Etat les calcule, administration incluse, les pures dépenses régaliennes ne représentent plus qu'un cinquième de son budget, et moins d'un dixième des dépenses publiques totales - contre plus de la moitié au début du XXe siècle!

Les débours des administrations de sécurité sociale dépassent, depuis 1995, ceux de l'Etat lui-même. La Sécurité sociale a cannibalisé la sécurité tout court. L'Etat édredon a étouffé l'Etat régalien.

Jean-Charles Simon, de Facta Media, a comparé poste à poste nos dépenses à celles de nos voisins. Les militaires paraissent au premier abord les moins pénalisés, puisque la France affiche un budget de défense plus élevé que la moyenne de la zone euro (1,8% du PIB, pour 1,2%). Sauf que l'Hexagone se veut une puissance militaire comparable au Royaume-Uni... lequel y consacre 2,3% de sa richesse.

La Défense, une variable d'ajustement

En réalité, depuis la chute du mur de Berlin, la Défense n'a cessé de servir de variable d'ajustement: en euros constants, ce ministère a vu son budget fondre de 20 % en vingt-cinq ans, alors même que l'armée française était engagée sur des théâtres d'opérations plus nombreux! Les chars très modernes voisinent désormais avec des véhicules blindés deux fois plus âgés que leurs conducteurs.

Le constat est presque aussi alarmant quant aux moyens de la police: 0,96% du PIB, pour 1,02% en Europe. Mais c'est la justice qui est la plus mal traitée, avec 0,23% du PIB, pour 0,34% chez nos voisins, hors administration pénitentiaire. Soit 74 euros par habitant, pour 153 euros au Royaume-Uni et 138 euros en Allemagne! Pas étonnant que les délais de jugement s'allongent: elle fonctionne avec des moyens indigents pour une grande démocratie.

Pourquoi police, justice et armée ont-elles été sacrifiées? Parce que les militaires ne descendent pas dans la rue, qu'ils ne font pas grève, et qu'à quelques généraux "rebelles" près ils ne se plaignent pas. Même chose pour les magistrats, à quelques juges Trévidic près: ils subissent et se taisent. Les policiers ont aussi l'obéissance chevillée au corps. 

Résultat, les hommes politiques, tandis qu'ils visitent des commissariats, remettent des médailles ou organisent des obsèques nationales, taillent en catimini dans les budgets sécuritaires. Encore un effet pervers de la professionnalisation de la politique, du clientélisme, et des raisonnements de court terme qui visent à la réélection plutôt qu'à la prospérité de la nation. Combien de Bataclan faudra-t-il pour que les hommes politiques laissent place aux hommes d'Etat?

L'Express

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