jeudi 18 février 2016

Libération, hospitalisation, douche... "tout s'achète" dans les prisons russes

Meilleure cellule, hospitalisation, libération anticipée... Tout peut s'acheter dans les prisons en Russie où la corruption du système pénitentiaire a de nouveau éclaté au grand jour après plusieurs arrestations de responsables et suicides de chefs de camp, accusés de fraude et extorsion de fonds.

Libération, hospitalisation, douche... "tout s'achète" dans les prisons russes

"Fin 2014, Daria Antonova, chargée de la rééducation des détenues dans le camp IK-7, a demandé l'équivalent de 2.600 dollars à mon ex-mari en échange de ma libération anticipée", a raconté à l'AFP Elena Fedosseeva, ex-détenue de ce camp situé près de Kalouga, à 180 km au sud-ouest de Moscou.

Six mois après le versement de la somme requise -- officiellement pour "achat de draps" fabriqués par les détenues -- Elena a été libérée.

Les prisonniers condamnés pour délits économiques comme Elena Fedosseeva ("les sucrés", dans l'argot de la prison) sont les principales victimes de ces tentatives d'extorsion de fonds.

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En juin dernier, les familles de détenues de ce même camp ont accusé sa directrice d'avoir organisé une fraude à grande échelle: la directrice exigeait des familles d'acheter divers équipements destinés au camp qu'elle se faisait ensuite rembourser par l'État avec les factures fournies par les familles.
"La directrice a été libérée de ses fonctions et fait actuellement l'objet d'une enquête", a indiqué à l'AFP le Comité d'enquêtes régional.

Fin janvier, le chef du camp IK-2 de Kazan, au Tatarstan, Azfar Kadirov, 55 ans, s'est suicidé après l'arrestation de son adjoint qui venait d'avouer avoir transmis à l'administration pénitentiaire l'équivalent de 7.000 euros de la part d'un détenu, pour obtenir sa libération anticipée.

En avril dernier, l'ex-numéro deux des services pénitentiaires à Khabarovsk (Extrême-Orient), accusé de corruption, s'est suicidé, comme l'avait fait six mois plus tôt son ancien chef, lui aussi accusé de fraude.

En juillet, ce sont trois employés et deux ex-employés du centre numéro 1 de détention préventive de Moscou qui ont été arrêtés pour avoir extorqué 10 millions de roubles (12.000 euros) à des détenus.

L'exemple vient de très haut: le général Alexandre Reimer, chef de l'administration pénitentiaire de Russie (FSIN), est incarcéré depuis mars, accusé d'avoir détourné quelque 41 millions d'euros en surfacturant le prix d'achat de bracelets électroniques et de systèmes de surveillance allant avec.

"Pots-de-vin pour obtenir un portable ou un médicament, pour se faire hospitaliser, se marier ou aller aux douches: tout s'achète en prison", résume Inna Bajibina, militante de l'ONG "La Russie derrière les barreaux" chargée de la défense des droits de détenus.

Les prix varient en fonction des établissements, dit Mme Bajibina qui a elle-même passé deux ans en détention à Moscou, accusée de "contrebande", avant d'être libérée en 2011.

Un ex-homme d'affaires s'est plaint récemment de son "loyer mensuel trop élevé, d'un million de roubles (11.500 euros), pour sa cellule" dans le centre de détention préventive Medvedkovo, à Moscou, souligne-t-elle encore.

"Etre transféré dans une meilleure cellule coûte 50.000 roubles (580 euros) dans le centre de détention préventive numéro 1 de Moscou. Le prix est plus élevé dans la prison moscovite de Boutyrka", raconte à l'AFP Elena Massiouk, journaliste et visiteuse de prisons.

Et "se faire hospitaliser coûte entre 1.000 et 2.000 dollars, en fonction du camp et de l'état physique" de l'intéressé, raconte l'ancien dissident soviétique Valéri Borchtchev, lui aussi visiteur de prisons.
"Tous les cas dénoncés seront vérifiés, la lutte contre la corruption se poursuit", a assuré à l'AFP la porte-parole du FSIN Kristina Belooussova.

Levif.be

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