vendredi 18 mars 2016

Les futurs surveillants pénitentiaires polynésiens et calédoniens se forment à l’ENAP

L’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire accueille actuellement sa 190è promotion.

280 Polynésiens et Calédoniens se forment actuellement au métier de surveillant pénitentiaire © Martin Baumer

Avec une particularité : 280 des 380 élèves viennent de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie. Ils apprendront, pendant les huit prochains mois, le métier de surveillant de prison. Reportage.

Dans les couloirs de l’ENAP, depuis deux semaines, résonnent d’inhabituels accents. Dans l’optique de l’ouverture prochaine de la prison Papeari, à Tahiti, 260 Polynésiens ont intégré l’école, après concours.

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Ils suivent, avec une quinzaine d’élèves calédoniens, une formation de surveillants de prison. « C’est une formation par alternance, présente Jacques Prin, major pénitentiaire et formateur des personnels à l’ENAP. Donc ils ont une partie théorique : la règle, la loi, le code de procédure pénale. Il y aura ensuite un stage de découverte, c’est une période cruciale car ils vont savoir s’ils envisagent de rester ou non. Certains abandonnent. » La formation, c’est également apprendre à secourir, à éteindre un incendie, à utiliser des armes ou à se défendre.

« Debout ! Assis ! Debout ! Sur le dos… » Sur le tatami, l’entraînement physique est rythmé pour le petit groupe d’élèves. Philippe Hostachy leur apprend quelques techniques d’intervention : « L’idée, c’est d’avoir des attitudes de sécurité et des repères dans un environnement qui peut être violent. Il faut leur donner les clés pour intervenir correctement : ni trop, ni pas assez. » Car les surveillants pénitentiaires interviennent dans un cadre très strict : c'est la réponse graduée. Pieds nus, en tenue de sport, Daniel applique les consignes : « On doit donner un coup d’arrêt à un détenu, s’il nous provoque. Un low kick, au niveau de la cuisse. »

 « Nous les Tahitiens, renchérit Turoa, comme on aime la baston, on a plutôt tendance à porter des coups qui stoppent net. A la tête ! Et là, il faut que les gestes soient proportionnés par rapport à ce que le détenu risque de nous faire. »

S’ils sont appliqués et consciencieux, tous sont toutefois certains, une fois rentrés sur le Fenua, qu’ils n’auront pas la nécessité de mettre ces gestes en pratique.

« En Polynésie, assure Turoa, les détenus ne seront pas aussi compliqués qu’ici. Alors peut être qu’avec les paroles, comme on se connait tous, ça va se calmer. Mais c’est quand même bon à prendre. » Teriva en est également persuadé. La présentation des armes fabriquées par les détenus l’a marqué.

Pour en arriver là, tous ont passé un concours avec épreuves écrite, orale et sportive. Jean-François a 37 ans. Il a laissé à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, sa femme et ses trois enfants. « J’étais aide mécanicien. J’étais à la recherche d’un meilleur emploi. C’est une chance pour moi, pour améliorer ma situation professionnelle. C’est un peu dur de ne pas les voir, mais on est bien accueillis ici, et il y a Skype. On se dit qu’il faut assurer, qu’on est là pour eux. Puis ça ira mieux quand on reviendra, il n’y a que 8 mois à tenir. »

L'espoir d'une vie meilleure

« J’ai saisi l’occasion, pour avoir une vie meilleure », ajoute Vaimahere, Tahitienne de 23 ans. « Jusque-là, je faisais de la vente et de la location de maisons. Mais j’ai eu envie de changer, de passer le concours. Je me suis jetée dessus ! »

Car contrairement à l’Hexagone, où les campagnes de publicité se multiplient pour recruter des agents, le métier de surveillant pénitentiaire a très bonne réputation dans les Outre-mer. « On parle beaucoup de ce métier à Tahiti, pour ses avantages. On sait ce qu’on gagne. C’est beaucoup d’avantages d’être fonctionnaire d’Etat, c’est mieux que mon précédent métier » se réjouit Teriva, informaticien depuis 6 ans. Turoa était lui employé de banque. Il a appris par les médias et par le bouche à oreille qu’un concours se tiendrait. « Honnêtement ? C’est pour le salaire. Honnêtement. Et puis le panel d’évolution pour la suite. »

Une bonne cohésion

A l'ENAP, les Polynésiens et les Calédoniens sont déjà comme chez eux. « Je me suis fait un petit groupe d’amis tahitiens, confie Teriva, avec un grand sourire. On s’entend bien, on révise bien ensemble, on s’amuse bien ensemble. Il y a une bonne cohésion. J'adore ici. » « Ça se passe bien, confirme le Calédonien Jean-François. Mais c’est vrai qu’à Nouméa, on n’a pas l’habitude des températures d’ici. Ça fout un peu la déprime, le froid, parfois, le matin quand on se lève. » « Mais ça va, ça se réchauffe » rassure la jeune Vaimahere, avant de s'engouffrer dans une salle de formation, pour y apprendre les gestes de premier secours.

 "Sans les Outre-mer, ce ne serait pas l'administration pénitentiaire"

Attentifs, curieux, respectueux... les 280 élèves du Pacifique font l'unanimité parmi la direction et le corps enseignant de l'école. « J’ai un petit coup de cœur pour les Polynésiens et Calédoniens, c’est vrai, reconnaît le formateur aux techniques d'intervention, Philippe Hostachy. C’est le public le plus facile que l’on ait. C'est un pur bonheur de travailler avec eux, ils ont un très bon état d'esprit, ils sont combatifs. »

Ce que confirme Jacques Prin, le major pénitentiaire : « Ils sont plus curieux ! Ils ont une compression plus large. Car leur vécu est différent. Ils sont en relation avec d’autres peuples, ils ont un cadre de référence beaucoup plus large que nous sur notre petit hexagone. Et c'est une richesse dans un milieu pénitentiaire aux origines cultuelles, culturelles et ethniques très variées. » Au point de conclure : « Sans les Outre-mer, l'administration pénitentiaire serait une administration… étriquée. Une administration qui ne s’ouvrirait pas sur les autres. Sans les Outre-mer, ça ne serait pas l’administration pénitentiaire. »

Outre-Mer 1ère

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