lundi 23 mai 2016

Un Fréthunois surveillant de prison raconte un métier qui recrute en masse

L’administration pénitentiaire recrute massivement cette année. Surveillant, un métier mal connu dont nous parle Chris, qui l’exerce depuis 2013.

Prison wardens stand on March 6, 2013 in the Baumettes prison in Marseille. A renovation program is underway after a court ordered the immediate restoration of the jail following a demand of the International Observatory of Prisons (IOP), triggered by a report by the French General Controller of Prisons, stating inhumane conditions of detention. AFP PHOTO / ANNE-CHRISTINE POUJOULATAFP

En France, un surveillant pénitentiaire sur quatre est originaire du Pas-de-Calais. Ils sont 27 000 à exercer cette profession, dont Chris, marié et père de deux enfants, vivant à Fréthun. C’est à l’âge de 37 ans qu’il s’est décidé à passer le concours, suite à son licenciement.



Il travaillait jusqu’alors dans la grande distribution. « J’en ai parlé avec mon cousin, surveillant pénitentiaire lui-aussi. Je me suis préparé au concours à l’aide d’un livre. Ayant eu le concours, j’ai été formé à l’Enap pendant huit mois. Ça n’a pas été la partie la plus facile, ça faisait vingt ans que j’avais quitté l’école, après mon CAP. »

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Chris a fait partie des 300 surveillants recrutés en 2013, sur 10 000 candidats dont 2 000 se sont qualifiés pour les épreuves orales. Comme tout nouveau venu, il a été affecté sans possibilité de choix, dans l’un des gros établissements pénitentiaires de France, en l’occurrence le centre pénitencier de Fresnes. Il travaille désormais à Longuenesse.

Après trois ans d’exercice, le Fréthunois ne regrette pas une seconde son emploi dans la grande distribution : « Ce que je fais maintenant est bien plus intéressant. On est un peu policier, un peu assistante sociale, un peu SPIP (service pénitentiaire d'insertion et de probation )… »

A l’heure où le ministère de la Justice recrute 1 800 agents de l’administration pénitentiaire, sur un mode de communication un tantinet idyllique, le témoignage de Chris peut retenir l’attention d’un futur candidat ou candidate.

D’un tempérament calme, Chris confirme qu’une bonne maîtrise de soi est essentielle dans ce métier où un conflit physique est toujours possible. Il ne cache pas qu’il a été agressé, une fois, à Fresnes : « Le détenu a d’abord fait savoir son refus d’aller à la douche. Puis il m’a blessé en utilisant la porte, qu’il a refermée violemment alors que je me trouvais dans l’ouverture. » Agresser un surveillant peut se traduire par un allongement de peine. En l’occurrence, le détenu a écopé d’une prolongation de deux mois.

Le décor, on s’y habitue

Cet incident n’a pas éloigné Chris de sa vocation : « J’ai un peu d’appréhension au moment de revenir. J’ai eu l’assistance de la psychologue. Au bout de quelques jours, tout était revenu à la normale. »

En revanche, il n’a plus jamais été affecté à l’étage où se trouvait son agresseur. De Fresnes, le Fréthunois conserve un bon souvenir : « Du moins en termes de condition de sécurité. Fresnes est mieux sécurisé de Longuenesse. C’est une question d’architecture. Fresnes est conçu, si l’on peut dire, comme un paquebot : un collègue d’un autre étage peut toujours avoir un œil sur vous. La prison de Longuenesse est conçue en étoile, quand vous êtes au bout d’une aile, vous n’êtes plus dans le champ de vision du collègue. »

Les surveillants insistent sur ce point, leur métier ne se cantonne pas à la surveillance : « On a un rôle d’écoute. Notre rôle, c’est aussi de recueillir des informations sur le détenu qui pourront être utiles au CPIP (Conseiller pénitentiaire d'insertion et probation). Et, parmi les détenus, il y a aussi des gens en souffrance. »

Ces informations, un surveillant les collecte par de simples discussions, « on parle de tout et de rien. On n’est pas dans une situation de face-à-face à un bureau... Ce qu’il faut, c’est garder une certaine distance. L’administration ne nous communique pas les motifs de l’incarcération, et on ne doit exprimer aucun ressenti... On ne peut pas se permettre de la sympathie pour un détenu, ce serait contraire à notre rôle, mais ça n’empêche pas d’être humain. »

Tous les détenus ne sont pas enclins au dialogue : « On ne force personne à parler. Mais il faut essayer. Moi je dis systématiquement bonjour et au revoir quand j’entre et sors d’une cellule, même si le détenu ne répond pas. C’est une question d’éducation, de respect. »

Quand on pense aux surveillants pénitentiaires, on imagine un cadre de travail plutôt gris et déprimant. Ce n’est pas un problème pour Chris : « Franchement, on s’y habitue très vite. Après, on n’y pense plus et, de toute façon, on est toujours occupés. »

Les métiers de la surveillance pénitenciaire se sont diversifiés ces dernières années. Il y a désormais des surveillants affectés à des hôpitaux psychiatriques, d’autres dédiés à ce qu’on appelle l’extraction judiciaire, autrement dit le transfert d’un détenu vers le tribunal.

Certaines de ces missions, bien que rares, sont considérées comme à risques. Il est maintenant question de confier le contrôle de l’accès aux tribunaux à des agents de la pénitentiaire, ce rôle étant actuellement tenus par des réservistes de la police. Dans la carrière, il y a aussi des possibilités d’évolution en interne. Chris s’apprête justement à passer le concours de grade de brigadier.

Les inscriptions au concours de surveillant sont ouvertes jusqu'au 7 décembre surdevenirsurveillant.fr. Les inscriptions pour le concours de CPIP sont ouvertes jusqu'au 30 novembre sur devenircpip.fr.

Nord Littoral

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