samedi 25 juin 2016

Fashion Week à la maison d'arrêt des femmes

Elles ont dû rendre les habits et les chaussures à talons, mais elles sont toutes retournées en cellule encore maquillées et coiffées comme des top-modèles. 


Hier, une vingtaine de détenues de la maison d'arrêt des femmes (MAF) de Fleury-Mérogis ont joué les mannequins le temps d'un après-midi, applaudies par 77 autres prisonnières.
Ces dernières se sont révélées beaucoup plus enthousiastes que le public habituel des défilés de haute couture, où il est de mise d'afficher une mine sombre. Dans le gymnase de la prison, l'ambiance était au contraire survoltée, les détenues acclamant leurs collègues de cellule.

Liens commerciaux :



« Mais elle marche comme les stars qu'on voit à la télé, s'émerveille une spectatrice qui a mis quelques secondes à reconnaître sa camarade. Elle est superbe. » Perchées sur des talons vertigineux, les détenues ont arpenté le tapis rouge comme si elles avaient fait ça toute leur vie.

« Ce défilé de mode, c'est exceptionnel pour nous, confie Marianne* », 25 ans et des allures de gazelle. « C'est la deuxième fois qu'elle participe à ces ateliers, principalement pour la styliste Sakina M'sa » qu'elle apprécie autant humainement que pour son talent. « Elle s'investit énormément pour nous, elle nous donne beaucoup. Grâce à elle, on se sent à nouveau des êtres humains. Habituellement, en prison, nous ne sommes que des numéros d'écrous. Avec Sakina, nous sommes chouchoutées, maquillées, et on se rappelle qu'on est des femmes. »

Des sentiments positifs recherchés par l'administration pénitentiaire. « Il n'y a qu'à voir leurs sourires pour se dire qu'on a raison d'organiser ce genre d'événements », estime Thomas de Parscau, directeur de la MAF.

« Ces filles sont canon, confie, tout émue, la styliste. Ce qu'on vit ensemble, avec le défilé, mais aussi pendant les ateliers durant les semaines précédentes, c'est très fort. Pour un projet artistique, j'avais rencontré des détenues à qui j'avais demandé leurs rêves. Elles m'avaient d'abord répondu qu'elles n'en avaient pas, puis une a lâché : faire un défilé de mode. Il a fallu quelques années pour le réaliser, mais on a réussi. Pour cette 3e édition, on a assisté à une grande solidarité. »

Liliane*, une détenue de 62 ans, confirme cette impression de solidarité. « Dehors, j'étais habilleuse costumière, j'ai donc participé aux trois éditions, raconte-t-elle. Ces défilés, ce sont des petites évasions, même si, moi, je ne trouve pas qu'il soit difficile de rester féminine en prison. C'est juste que pour des questions pratiques, on porte toutes des baskets, mais je m'achète du vernis, je m'occupe de mes cheveux... » Pour le défilé, ce sont des professionnels qui l'ont coiffée, maquillée...

Barbara*, la cinquantaine, croisée plusieurs minutes après la fin du défilé, porte toujours le chignon sophistiqué qu'ont lui a fait pour la circonstance. « Je le garderai tant qu'il tiendra, cela va m'aider à tenir », lâche-t-elle en regagnant sa cellule.

* Les prénoms ont été modifiés.

Le Parisien

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...