mardi 27 mars 2018

Incarcérations «indignes» : cet avocat a été le premier à faire condamner l’Etat

Le 27 mars 2008, à l’initiative de Me Etienne Noël, l’Etat était condamné pour la première fois pour des conditions indignes de détention. Portrait d’un avocat-militant qui a depuis fait condamner la France des centaines de fois.

Incarcérations «indignes» : cet avocat a été le premier à faire condamner l’Etat

Pour la première fois le 27 mars 2008, l’Etat français était condamné pour « des conditions de détention contraires à la dignité humaine ».



A l’origine de ce jugement rendu par le tribunal administratif de Rouen (Seine-Maritime), on trouve Etienne Noël, un avocat pour qui la lutte pour de meilleures conditions de vie en prison est devenue un « chemin de Damas ».

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Ce pénaliste n’était pas prédestiné à défendre les détenus des prisons françaises. Après des études de droit, ce Rouennais issu d’un milieu bourgeois catho, commence en 1983 une carrière d’agent de change à la Bourse. Après sept ans, il décide de reprendre une maîtrise de droit et d’enfiler la robe. Il prête serment au barreau de Rouen en 1993. Il a 34 ans. Sa carrière d’avocat débute et Etienne Noël enchaîne les permanences pénales. Jusqu’au 16 mars 1995, où il est commis d’office auprès de Rodolphe*, un détenu de la prison Bonne-Nouvelle de Rouen qui veut poursuivre les codétenus, qui l’ont battu et violé à plusieurs reprises. Ce jour-là, « j’entame mon initiation carcérale », confiera plus tard Etienne Noël.

Le dossier est sordide et est renvoyé aux assises en 1997. Les deux agresseurs sont condamnés à treize et seize ans de prison. Mais Etienne Noël refuse d’en rester là. Pour lui, l’administration pénitentiaire a failli à son devoir de protéger Rodolphe. Il saisit le tribunal administratif de Rouen et l’Etat est condamné à verser 30 000 francs (4 500 euros) à Rodolphe. Une victoire pour le détenu et le début d’une carrière de pénaliste engagé pour Etienne Noël, qui considère « l’avocat comme un lanceur d’alerte qui doit participer à l’évolution de la jurisprudence ».

« Un combat indispensable »

A compter de ce jour, il se spécialise dans les contentieux avec l’administration pénitentiaire pour dénoncer les conditions de vie indignes dans les prisons. Ainsi, toujours il y a 10 ans, la justice administrative de Rouen condamne à nouveau l’Etat à verser 3 000 euros à Christian D., qui avait passé 4 ans à la maison d’arrêt de Rouen avec deux codétenus dans des cellules ne dépassant pas les 12,36 mètres carré de surface. Le jugement souligne également la proximité « sans cloisonnement » de la pièce principale avec « le cabinet d’aisance ».

Dans la foulée, le syndicat des avocats de France (SAF) publie un « mode d’emploi » procédural pour ceux qui veulent suivre la même voie. Pour Nicolas Ferran, responsable du pôle contentieux de l’Observatoire international des prisons (OIP), Etienne Noël qui est « un compagnon de route de l’OIP », est la « tête de pont » qui a pris part à « un combat indispensable, il a initié, expérimenté, a poussé les confrères ».

Etienne Noël est « fier » que son travail ait « fait tache d’huile » mais reconnaît que sa mission n’est pas à la portée de tous les avocats. « Il faut connaître la prison, savoir s’orienter dans une taule », estime l’avocat qui reconnaît : « Je ne serai pas l’avocat le plus riche du cimetière ».

Depuis 10 ans, et selon ses propres comptes, il a fait condamner « au minimum 200 fois » la maison d’arrêt de Rouen, sept fois la prison de Fresnes, quatre fois la Santé à Paris…

« Mulhouse, la pire prison que je connaisse »

L’avocat officie aussi en outre-mer et explique avoir obtenu une vingtaine de condamnations dans les prisons de Guadeloupe, 25 en Martinique. Quelques échecs ? « Je n’ai jamais réussi à Evreux, Troyes, et surtout Mulhouse, la pire prison que je connaisse ».

Aucun chiffre n’est disponible. Tout juste sait-on, en s’appuyant sur le travail non-exhaustif de l’OIP qu’au moins 36 établissements français ont été condamnés depuis 2010. Selon Etienne Noël, ces condamnations ne changent pas vraiment la vie dans les prisons. « L’Etat considère que ça coûte moins cher de faire un chèque que de changer profondément les conditions d’incarcération ».

N’empêche, pour le détenu, « l’impact est immense ». Après des années d’incarcération dans des conditions lamentables, « un chèque est extrêmement important pour la restauration de son image ».

Toujours sur le front carcéral, l’avocat de Rouen s’est battu pour que les prévenus malades placés en détention provisoire puissent être libérés pour raison médicale. « Mes stagiaires et moi avons rédigé le texte en 2010, je l’ai porté auprès de sénateurs en 2011, il a fini par être voté en 2014, c’est l’article 147-1, du code de procédure pénale ».

Le Rouennais veut également faire évoluer la loi sur le port d’armes des forces de l’ordre et travaille notamment sur plusieurs cas de blessures graves par flash-ball...

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